Michel Le Nobletz précurseur
des « tableaux de mission »

- Yann Celton et François Trémolières
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Fig. 24. Le péché originel 

Fig. 25. Le baptême 

Fig. 26. La tentation 

Fig. 27. Le consentement 

Fig. 28. La possession 

Fig. 29. Notre Seigneur demandant
l»entrée 

Fig. 30. L’entrée de Notre Seigneur
avec la lanterne 

Fig. 31. Jésus balaie dans le cœur 

Fig. 32. Jésus lave 

Fig. 33. Jésus instruit 

Fig. 34. Jésus enflamme 

Fig. 35. Jésus orne le cœur parfaitement
des vertus entre lesquelles il dort 

L’abrégé se poursuit par une sorte de sommaire, d’abord « l’ordre des premières figures » (première sous-série), puis « l’ordre des 12 peintures » (deuxième sous-série) :

 

1. Le péché originel (fig. 24)

2. Le baptême (fig. 25)

3. La tentation (fig. 26)

4. Le consentement (fig. 27)

5. La possession (fig. 28)

6. Notre Seigneur demandant l’entrée (fig. 29)

7. Son entrée avec lanterne (fig. 30)

8. Il balaie (fig. 31)

9. Il lave (fig. 32)

10. Il instruit (fig. 33)

11. Il enflamme (fig. 34)

12. Il orne le cœur parfaitement des vertus entre lesquelles il dort (fig. 35).

 

Est développée plus loin la « méthode » pour « expliquer » la carte dite Exercice quotidien : « Cette carte nous sert d’exercice quotidien et d’entrée pour avoir la connaissance de nous-mêmes et, pour ce, elle nous représente premièrement ce que nous devons croire, savoir et faire », soit les dix figures de la première sous-série. Vient ensuite « la méthode qu’il faut garder en déclarant la seconde partie de la même carte » :

 

En cette 2e partie, il y a 12 peintures :
En la première est représentée la disposition de l’âme en état du péché originel.
En la 2e, la beauté, excellence et faveurs de l’âme après le baptême avec quelque mémorial des cérémonies qu’on observe en baptisant.
En la 3e figure est le combat spirituel de l’âme contre les esprits de ténèbres, lesquels l’attaquent par superbité et gourmandise par ce que par ces deux vices il a gagné plusieurs âmes.
En la 4e est représenté le consentement de l’âme aux tentations, lequel consentement ouvre la porte à la mort de l’âme.
En la 5e est l’âme possédée du diable. En la 6e vous voyez Notre Seigneur qui frappe sur la porte du cœur, demandant l’entrée pour chasser l’ennemi et toutes [fois] l’âme fait la sourde oreille.
En la 7e on vous donne à entendre qu’il est entré en l’âme et la visite avec une lumière enfermée en une lanterne, laquelle représente le don de lumière et d’entendement que Dieu donne à l’âme convertie à Dieu, et par [là] même sont représentées les doctrines célestes que Dieu donne aux âmes par le ministère des docteurs de l’église.
En la 8e Notre Seigneur balaie le cœur, par ce que n’est assez de connaître ses fautes si on ne les corrige en les bannissant.
En la 9e il lave l’âme, par ce que pour balayer la conscience, elle n’est si bien purgée, comme si on la lavait. Ce que notre Seigneur opère en nous par la foi et mémoire de sa passion, excellence de ses mérites et par la réception des Saints Sacrements.
Après que l’âme est passée par la vie purgative, il commence à l’illuminer par infusion des vertus et, entre autres, il met au 10e lieu le désir de sa loi et une affection de porter sa croix. Puis en la suivante figure on représente l’âme ravie en amour, considérant cinq bénéfices de Dieu à savoir : la création, rédemption, justification, grâces secrètes, et le don de la glorification.
En la dernière figure on représente Notre Seigneur, dormant en une conscience parvenue à une grande perfection des vertus, entre lesquelles Notre Seigneur dort, lequel ne fait semblant pour être attaqué par quelques méchantes inclinations qui restent en l’âme, puisque l’âme ne consent point.
Fin de la 2e partie de la carte.

 

Il faut aller voir un autre cahier pour trouver des éléments sur la troisième sous-série : « Déclaration des suivantes peintures qui représentent les 7 péchés mortels [45] », qui se conclut par une « explication de la 8e figure » :

 

C’est un homme qui est chargé des 7 péchés mortels, comme le cheval d’un quinquailleur de diverses denrées et marchandises. Le St Esprit avait chargé l’âme de plusieurs bonnes marchandises au baptême, lesquelles lui serviront comme des ailes pour voler en haut, et de forteresse pour porter le léger fardeau du Chrétien qui est le St Esprit, lequel porte plus le chrétien par-dessus toutes les traverses du monde, qu’il n’est porté par le chrétien.
Et l’ennemi mortel tache par ses astuces et importunes félicitations de chasser ce bon hôte et charger l’âme de dix fardeaux bien pesants et fâcheux qui sont décrits par St Bernard. Serm. de 10 : oneribus Egypti [46], c’est là que toutes les tentations du monde et de la chair et du diable tendent. Qui habet aures audiendi audiat [Que celui qui a des oreilles pour entendre, entende. Mtt xiii 9].

 

De même les deux premières figures étaient rattachées à la première sous-série, dans un commentaire plus exhaustif que le précédent [47], suivant sans rupture marquée un « prologue » et enchainant directement avec la « Deuxième partie de la carte » :

 

Déclaration des figures faites en façon des cœurs.
Explication de la première figure.
En cette figure vous voyez une image d’homme balafré, défigurée, honnie et noircie [48] : pour montrer combien l’âme est laide et languissante par le péché originel.
Explication de la 2e figure :
Vous voyez le St Esprit représenter au cœur qui est orné de belles tapisseries : c’est pour montrer la beauté de l’âme après le baptême par les vertus infuses. On méditera en cet endroit les principaux effets du baptême ici représentés. Lisez les au cahier latin qui suit après.
Explication de la 3e figure Cette vous montre les combats que l’homme endure après le baptême de la part du monde, du diable et de la chair suivant ce carme ancien : Mundus, caro, daemonia, diversa movent praelia [49]. L’ennemi mortel de la nature humaine tente cet homme premièrement de superbité ; lui faisant désirer d’apparaître au monde plus qu’il ne doit, par des ornements mondains, parce que la superbité ouvre la porte à tous autres vices, suivant les témoignages du Sage [50] : Initium omnis peccati superbia.
Vous amplifierez ce discours des figures suivantes qui représentent les sept péchés mortels, qui combattent l’âme, et sur la fin vous verrez comment les trois ennemis de l’homme le veulent charger de sept péchés mortels, le chargeant de diverses misères, comme le cheval d’un quinquailleur chargé de diverses marchandises.
Explication de la 4e figure :
Cette figure est faite pour représenter comment l’âme consent aux tentations de l’ennemi, et engrave en elle les vices et péchés que l’ennemi mortel lui suggère ; et pour ce, vous voyez qu’elle écrit en sa volonté, ou cœur, plusieurs figures comme mondanités et désirs des voluptés illicites de ce monde par la coopération de Satan.
Déclaration de la 5e figure :
Ici est montré comment le diable est entré au cœur après le consentement, lequel remplit le cœur d’ordures, représentées par des crapauds et serpents et autres bêtes venimeuses et sales qui sont au cœur.
Déclaration de la 6e figure :
Ici vous est représenté comment l’ennemi, étant entré au cœur, ferme la porte sur lui par le consentement de l’âme, afin que l’époux Rédempteur et Seigneur de ce cœur ne puisse entrer ; c’est pourquoi vous le voyez debout devant la porte du cœur demandant l’entrée, et promettant de chasser l’ennemi si l’âme lui veut ouvrir ; méditer votre ingratitude repoussant un si bon hôte.
Déclaration de la 7e figure :
Cet époux est entré par importunité, lequel visite le cœur avec un falot, ou lanterne, pour voir la ruine que l’ennemi a faite.
La lanterne est le don de l’entendement et autres dons du St Esprit, lesquels font à l’homme connaître les misères de son âme. Le falot c’est la parole de Dieu suivant ce passage [51] : Lucerna pedibus meis verbum tuum. Et en autre part : La loi de Dieu est dite une lumière laquelle illumine l’âme.
Déclaration la 8e. figure :
En cette figure, on vous représente Notre Seigneur qui est entré au cœur, lequel balaie les vices du cœur ; il n’est besoin de les nommer en cet endroit, par ce qu’ils sont nommés en autre part.
Déclaration de la 9e. figure : En cette, Notre Seigneur lave le cœur par ce que c’est par la vertu de sa passion que notre âme est lavée aux Sacrements et par la méditation de sa passion, et par nos oraisons et contritions, larmes et repentances. Si non lavero te non habebis partem mecum, dit Notre Seigneur à St Pierre [52].
Déclaration de la 10e figure :
Le cœur étant lavé, il est orné de désir et sollicitude d’étudier la loi de Dieu et [de] méditer sa sainte passion, par un amour de porter sa croix après lui. C’est ce qui est représenté en cette peinture.

 

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[45] Correspond à C3 f°11.
[46] Allusion aux dépouilles d’Égypte (voir Jérémie 43, 12 ; Daniel, 11, 8) ? Nous ne retrouvons pas la référence bernardine.
[47] Qu’il précède en réalité : le « prologue » correspond au début de C3.
[48] Voir fig. 24 (le manuscrit, f°7 r°, porte « annorcye »).
[49] Ce vers ancien : « Le monde, la chair et les démons nous livrent des combats divers. » Extrait (cité par François de Sales dans le « Sermon pour le jour des Rameaux ») d’un hymne liturgique « pour tous les saints » attribué à Adam de Saint-Victor.
[50] Ecclésiastique (Siracide), 10, 13 : « Le principe de tous les péchés c’est l’orgueil. »
[51] Psaume 119, v. 105 : « Ta parole est une lampe à mes pieds. »
[52] Jean, 13, 8 : « Si je ne te lave, tu n’aurais point de part avec moi. »