Le réseau figuratif pour les cinq images constituant notre corpus de base est le suivant :

• En fig. 1, le sujet iconique au premier plan est un individu de type masculin de race noire. Alassane Ouattara – c’est bien de lui qu’il s’agit – est vêtu d’une combinaison qui ne laisse découverts que son visage, son cou et le revers de ses mains qu’il a croisées. Ce premier plan est amorti par le drapeau ivoirien fixé sur un mât de taille moyenne [17].
• En fig. 2, le plan d’ensemble choisi montre le sujet iconique Alassane Ouattara au volant d’une voiture ancienne en costume de colon et aux côtés d’un individu de type masculin caricatural du « nègre basique »  dans les médias européens d’avant les indépendances [18]. L’arrière du véhicule est occupé par un chien au pelage blanc. Le véhicule est chargé par les côtés de nombreux bagages et parcourt un espace si vaste que ses limites se confondent avec l’horizon. L’espace en question est dominé par une girafe, plusieurs arbustes qui rapetissent dans la profondeur du champ et de la verdure.
• En fig. 3 un cadre blanc accueille deux images juxtaposées. La première est une photographie qui représente un homme vêtu d’une combinaison de protection comportant un couvre-chef et des gants. Il s’agit de Laurent Gbagbo qui tient un plateau exposant quatre pains. L’arrière-plan est dominé par des structures en métal et divers ustensiles. La seconde représente un contenant en papier destiné à l’ensachage. Ce dernier porte au-dessus un portrait en gros plan du sujet iconique Charles Blé Goudé. En dessous de cette première unité iconique et légèrement excentré sur la gauche, figure le dessin d’un moulin traditionnel d’où s’élèvent des plants d’épis verticaux dont la floraison forme un axe horizontal orienté vers la droite.
• En fig. 4 un individu vêtu d’une combinaison qui le recouvre jusqu’à la tête tient un trident doré. Ladite combinaison comporte à son extrémité supérieure deux cornes et est assortie à l’arrière plan qui révèle un dégradé concentrique de flammèches dont le cœur permet de construire un halo de flammes vives mettant en lumière le faciès du sujet iconique Laurent Gbagbo. Le coin inférieur droit de l’image laisse apparaitre le logo de la radiodiffusion ivoirienne à travers une bande horizontale de teinte sombre.
• En fig. 5, le sujet iconique Charles Blé Goudé est affublé d’une courte moustache. Il arbore une tenue de bagnard en bandes bicolores horizontales et une coiffe du même textile d’où débordent latéralement deux touffes d’une chevelure en bataille. L’arrière plan est un mur d’impression rugueuse dont l’extrémité inférieure porte des lambris.

Eléments typographiques

      Les signes graphiques qui se dégagent des images constituant notre corpus sont de deux types : les présentatifs et les explicatifs/informatifs. On peut globalement les ranger en deux modes génériques que sont les graphies iconiques et les icones graphiques. Les présentatifs identifient et mettent en relief certains sujets par désignation et les explicatifs/informatifs précisent le contexte général de la composition d’ensemble et informent sur des sujets extra-iconiques. Quant aux régimes génériques graphologiques, ils portent sur l’existence a priori de messages linguistiques dans l’image (icones graphiques) ou sur l’inscription a posteriori de messages linguistiques sur l’image (graphies iconiques). On peut en déduire le tableau suivant :

Un message iconique codé : l’image surnominale comme construction épidictique

Codes rhétoriques et stylistiques

      Nous nous intéresserons à ce niveau aux codes rhétoriques et stylistiques déterminées par Eco dans sa Sémiologie des messages visuels. Ceux sont les codes les plus expressifs pour notre contexte de caricature surnominale en raison de leur imbrication car il admet que les codes stylistiques sont surtout « des solutions originales déterminées ou codifiées par la rhétorique » [19].

      a- Figures

• Le contrepet iconique

      Si à l’origine le contrepet est une figure phonétique telle que le laisse supposer son étymologie [20], son usage iconique produit le même effet de surprise chez le destinataire. En substituant les visages de personnalités politiques ivoiriennes à celles d’autres individus, les auteurs de ces images font bien plus que permuter des signes iconiques, ils charrient la grivoiserie et le caractère transgressif de cette image pour désacraliser lesdites personnalités. Ce procédé stylistique atteint des conditions de réussite particulière lorsqu’il porte sur deux images célèbres. Dans ce cas, en présence d’une substitution partielle, la reconstitution du second terme de la permutation est essentiellement cognitive. Le principe est le même en phonétique puisque dans l’exemple de Prévert « Je vous salis ma rue », la réussite du contrepet est subordonnée à la connaissance préalable du syntagme « Je vous salue Marie » sans laquelle le lecteur ne décèlerait aucune littérarité au célèbre vers du poète. De fait ce procédé étant structurellement générique aux caricatures surnominales ici analysées, nous ne retiendrons pour illustration que celles qui, construites à partir d’images suffisamment populaires, garantissent un succès dont la probabilité est ici mesurable en termes de disponibilité des images souches primaires et secondaires. Nous pouvons donc établir les équivalences suivantes :

fig. 1 = fig. 1a + fig. 1b + fig. 1c
fig. 2 = fig. 2a + fig. 2x