The Woman in White, l’espace blanc
et la technologie d’impression
au milieu de l’ère victorienne
- Mary E. Leighton - Lisa Surridge
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Fig. 10. J. McLenan, The Woman in White, 1860
Fig. 11. J. McLenan, The Woman in White, 1860
Fig. 12. J. McLenan, « The nurse came quickly
around the corner of the wall... », 1860
La scène la plus saisissante du romana lieu lorsque Hartright, en deuil, se rend sur la tombe de Laura (qui s’avèrera être en définitive la tombe d’Anne). Alors qu’il arrive, il voit deux femmes voilées approcher : Marian et Laura. Cependant, Hartright ne reconnaît pas cette dernière jusqu’à ce qu’elle lève son voile au moment où elle se tient juste au-dessus de la pierre tombale sur laquelle la date de sa mort est inscrite. Dans cette scène-pivot du roman, le trope verbal de répétition atteint son paroxysme. Hartright prend alors le style auparavant associé à Anne Catherick :
Sacred
TO THE MEMORY OF
LAURA,
LADY GLYDE –
Ce passage est saturé par les figures de la répétition : 1) l’anaphore, où les mots se répètent au début de phrases ; 2) l’épistrophe, où les mots se répètent à la fin de phrases ; 3) l’anadiplose, où le premier mot de la phrase répète le dernier mot de la phrase précédente ; 4) l’épanalepse, où un terme ou un segment de phrase sont répétés. L’effet est similaire à l’homiologie parce qu’après une certaine saturation, le sens est évacué au lieu d’être renforcé. Le passage crée donc son effet sensationnel en évoquant le tic verbal de répétition d’Anne sur la tombe de Laura (qui est en réalité la tombe d’Anne) alors que Hartright voit Laura (sans la reconnaître).
Au même moment, le récit illustré du Harper’s supprime toute perspective pour la figure de Laura (figs. 10 et 11) : elle n’est plus en trois dimensions mais plate, représentée par un espace blanc avec seulement un contour. Paradoxalement, cette représentation visuelle associe la jeune femme à un fantôme ou à un revenant au moment exact où elle apparaît pourtant en chair et en os. De plus, le récit annule le sens de l’inscription sur la pierre tombale : si Laura est vivante, alors les lettres noires gravées sont littéralement et métaphoriquement creuses.
A partir de ce moment, le roman devient une investigation de ces contradictions pour mettre fin à leurs effets sensationnels. Décédée, Anne disparaît du présent temporel de l’histoire ; elle n’apparaît plus que dans des analepses. Dans les illustrations, l’amalgame troublant de sa représentation visuelle avec celle de Laura disparaît : son image gagne progressivement en épaisseur et en profondeur : Laura gagne peu à peu en consistance physique.et les illustrations montrent de plus en plus de traits noirs (fig. 12). D’une manière remarquable, Hartright n’emploie jamais un procédé juridique pour démontrer que Laura n'est pas morte. Marian et lui ont recours à la narration : ils racontent l’histoire de la conspiration, et fournissent des preuves visuelles : ils montrent Laura aux locataires de la propriété pour prouver son identité. Ils ne produisent donc pas des preuves légales mais une multiplicité d’histoires, qui se substituent l’une à l’autre. C’est seulement après avoir offert ces preuves narratives qu’ils peuvent légitimement effacer au ciseau le nom de Laura sur la pierrre tombale, laissant un espace vide qui portera plus tard celui d’Anne.
[20] Ibid., 19 mai 1860, p. 311.