[1] « Le cas de conscience », Nouveaux contes, Œuvres complètes, éd. Jean-Pierre Collinet, Paris, NrF-Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », pp. 825-826 pour la présente citation, pp. 824-827 pour l’ensemble du texte duquel seront extraites les citations.
[2] Cette dimension réflexive peut être étendue à l’ensemble du recueil des Nouveaux Contes, qui se clôt par « Le Tableau », où le rideau qui masque les toiles y est emblème du voile poétique qui dissimule le verbe cru en aiguisant l’esprit du lecteur.
[3] « Les gens du pays des fables/Donnent ordinairement/Noms et titres agréables/Assez libéralement./Cela ne leur coûte guère. (…)/Dieu, par sa bonté profonde,/Un beau jour mit dans le monde/Apollon son serviteur ;/Et l’y mit justement comme/Adam le nomenclateur,/Lui disant : Te voilà, nomme./Suivant cette antique loi/Nous sommes parrains du Roi ».
[4] « Nuls défauts ne pouvaient être au gars reprochés :/Puis dès auparavant aimé de la bergère,/Quand il en aurait eu l’Amour les eût cachés ;/Jamais tailleur n’en sut mieux que lui la manière ».
[5] Nous est présenté un « garçon au corps jeune et frais,/Blanc, poli, bien formé, de taille haute et drète,/Digne enfin des regards d’Annette ».
[6] Relevons toutefois le bandeau plus recherché au seuil du recueil, aux motifs végétaux et animaliers, à la fonction stratégique d’appât économique.
[7] Le premier conte, « Comment l’esprit vient aux filles », a charge de manifeste poétique ; son prologue « donne le sujet et le sens du recueil : la toute-puissance du désir amoureux », selon la formule de Roger Duchêne, La Fontaine, Paris, Fayard, 1990, dans un chapitre significativement intitulé « Annette, la contemplative », p. 334.
[8] Sentence signée du lieutenant de police de Paris, Gabriel Nicolas de La Reynie, rapporté dans le Nouveau recueil de factums de Furetière (1694) ; Georges Mongrédien, Recueil des textes et des documents du XVIIe siècle relatifs à La Fontaine, Paris, Editions du C.N.R.S., 1973, p. 118.
[9] Le propos souligne la capacité mimétique et conservatrice de la vision : « Au fond de sa mémoire Anne en sut fort bien faire [un dessin]/Un qui ne ressemblait pas mal ».
[10] C’est précisément à l’exhibition du corps et à la posture voyeuriste, suggérée au lecteur, que Michèle Rosellini rapporte le caractère plus subversif du recueil : « Les Nouveaux contes sont le premier recueil de récits licencieux en vers qui se voit interdire par décision de police. Pourquoi ? Peut-être parce que La Fontaine a franchi un seuil dans la représentation sexuelle. S’attachant par divers scénarios à l’unique objectif qui est de montrer le sexe, il met systématiquement le lecteur dans une position de voyeur » (« Censure et "honnêteté publique" au XVIIe siècle : la fabrique de la pudeur comme émotion publique dans le champ littéraire », Littératures classiques, vol. 68, n° 1, 2009, pp. 71-88. En ligne. Consulté le 21 janvier 2022).
[11] Il s’agit ici du jugement conclusif et sévère de Jean-Pierre Collinet sur l’illustration, superflue voire fâcheuse, des Contes de La Fontaine (« La Fontaine et ses illustrateurs », Œuvres complètes, éd. cit., p. CXL-CXLVII).
[12] Sur ce point, voir le propos de Michèle Rosellini, « Censure et "honnêteté publique" au XVIIe siècle : la fabrique de la pudeur comme émotion publique dans le champ littéraire », art. cit.
[13] Aurélia Gaillard, « La Fontaine salonnier ? Conter et peindre dans les Contes et nouvelles en vers illustrés par Eisen (1762) et Fragonard (vers 1775) », De la conversation au conservatoire. Scénographie des genres mineurs (1680-1780), Paris, Hermann, 2014, p. 28.
[14] Sur la chronologie de l’illustration des Contes au XVIIe siècle, voir José-Luis de Los Llanos, « Les illustrateurs des Contes de La Fontaine au XVIIe siècle », Jean de la Fontaine, catalogue d’exposition, Bibliothèque nationale de France, 4 octobre 1995-15 janvier 1996, sous la direction de Claire. Lesage, Paris, Le Seuil, 1995, pp. 74-95. Voir également le propos resserré de Marie-Anne Dupuy-Vachey qui insiste sur l’édition de 1762, Fragonard amoureux, galant et libertin, sous la direction de Guillaume Faroult, exposition au Musée du Luxembourg, Paris, 16 septembre 2015-24 janvier 2016, Paris, RMN, 2015, p. 102.
[15] Alain-Marie Bassy, « Iconographie et littérature. Essai de réflexion critique et méthodologique », Revue Française d’Histoire du Livre, t. III, n° 5, 1973, p. 5. Sur les évolutions de l’illustration, nous renvoyons également à Alain-Marie Bassy, « Le texte et l’image », Histoire de l’édition, Le livre triomphant, sous la direction de Roger Chartier et Henri-Jean Martin, Paris, Promodis, 1984, pp. 140-161 et à l’introduction de Christophe Martin dans « Dangereux suppléments » L’illustration du roman en France au dix-huitième siècle, Louvain, Peeters, 2005, pp. 1-24 en particulier.
[16] « Lettre contenant la description d’un Tableau représentant les Grâces qui se baignent dans la fontaine d’Acidalie » d’un certain J. Luet de Biscontin, au sujet d’un tableau du Corrège, Mercure de France, chez Chaubert, Jorry, Prault, Duchesne, Cailleau, Cellot, janvier 1763, pp. 119-120.
[17] C’est ce qu’Aurélia Gaillard met en avant : « Les dessins ponctuels de Lancret, ceux plus systématiques de Cochin pour l’édition de 1743 (69 vignettes), s’en éloignent plus nettement, en donnant à voir des scènes galantes souvent conçues (quand bien même la vignette chez Cochin était encore à mi-page) comme des tableaux de genre » (« La Fontaine salonnier ? Conter et peindre dans les Contes et nouvelles en vers illustrés par Eisen (1762) et Fragonard (vers 1775) », art. cit., p. 28). Le propos d’Aurélia Gaillard consiste à mettre en évidence le lien des illustrations avec les salons de peinture contemporain, accusant ainsi le changement de statut de l’image illustrée. José-Luis de Los Llanos indique pour sa part qu’« après la mort de Louis XIV (1715), et après la Régence (1715-1723), les Contes s’imposent peu à peu comme une des sources d’inspiration privilégiées dans un nouveau genre apparu depuis peu, l’art galant. » ; il considère ainsi que « par leur esprit, les Contes et Nouvelles de La Fontaine appartiennent à l’évidence au XVIIIe siècle » (« Les illustrateurs des Contes de La Fontaine au XVIIIe siècle », art. cit., pp. 74 et 95).
[18] Indiquons que nous nous intéresserons moins à l’histoire matérielle de ces représentations qu’à leur valeur et leur portée figurative. Par ailleurs, le peintre Nicolas Lancret, qui a fourni plusieurs compositions tirées des Contes pour la suite de Larmessin, aurait peut-être illustré « Le cas de conscience » ; Georges Wildenstein l’intègre, avec un point d’interrogation, au catalogue Lancret, Paris, Les Beaux-Arts, 1924, cat. 651, p. 114.
[19] La Fontaine consacre d’ailleurs un conte à cette fable, « Le roi Candaule et le maître en droit » (1674) ; le conte est construit comme un diptyque : le récit légendaire précède une transposition moderne – dans la « Rome d’aujourd’hui » –, qui mêle au principe de l’initiation érotique le motif conventionnel du mari cocu et humilié.
[20] Le lien est établi dans l’édition des Contes de Nicole Ferrier et Jean-Pierre Collinet, Paris, GF Flammarion, 1980, note 7, p. 443. Le texte de Longus – et partant sa traduction – insiste bien sur la naissance et l’affirmation du désir charnel chez Chloé à la vue de Daphnis se lavant. Sur d’autres intertextes de cette scène, voir également l’édition de Jean-Pierre Collinet, qui nuance ce rapprochement avec Longus, « Bibliothèque de la Pléiade », éd. cit., note 3, p. 1463.
[21] « Toute cette scène est, sur le mode burlesque, le "négatif" d’un épisode mythologique : Actéon surprenant Artémis au bain » explique Alain-Marie Bassy (La Fontaine, Contes et nouvelles en vers, Gallimard, « Folio classique », 1982, note 15, p. 524).
[22] A Guillerm, « Le système de l’iconographie galante », Dix-huitième siècle, Paris, Garnier, n° 12, 1980, p. 186.
[23] Naturellement, il ne s’agit pas tant de la question d’un public réel que d’un mode de représentation qui construit un récepteur distinctif, d’autant que dans le cadre des Contes en particulier, La Fontaine a tenu compte du lectorat féminin. Sur cette question, voir le propos de Michèle Rosellini, « Censure et "honnêteté publique" au XVIIe siècle : la fabrique de la pudeur comme émotion publique dans le champ littéraire », art. cit., et plus largement Roger Chartier, Pratiques de la lecture, Marseille, Rivages, 1985.
[24] Dans l’illustration que donne Eisen du conte « Le roi Candaule et le maître en droit », le corps féminin est bien exhibé au premier plan, dans sa blancheur éclatante, au profit du regard du lecteur-spectateur plutôt qu’au bénéfice des deux indiscrets en hauteur. Philip Stewart voit dans cette image une réminiscence de la Bethsabée au bain de Rembrandt (Engraven Desire. Eros, Image & Text in the French Eighteenth Century, Durham et Londres, Duke University Press, 1992, p. 152) ; le lien est indéniable, en particulier autour du visage baissé, mais d’autres peintures ne sont pas moins pertinentes dans ces jeux d’échos visuels, notamment la Diane au bain de Boucher (1742, Paris, Musée du Louvre), dont la posture semble être l’exact symétrique de la jeune femme représentée par Eisen.
[25] Le drapé de sa robe engage une forme de sensualité, mais il souligne surtout l’élan en mouvement du regard vers le corps exposé aux regards.