Fig. 10. Persée
décapitant Méduse
La lettre de la vignette de Méduse dans le Tableau
du temple de Marolles [25] (fig.
10) est à double entrée puisque deux
sources sont mentionnées : Ovide et Lucain.
Même si les Métamorphoses
sont évoquées en premier, ce sont davantage les
vers de Lucain dans La Pharsale [26] que
ceux d’Ovide qui fournissent le commentaire. Cependant, la
lettre n’est pas une citation, elle consiste en une
explication non pas de l’épisode
représenté, mais de l’action
à venir. Le texte énonce ce que le geste de
Persée et la gorge offerte de Méduse annoncent.
Pourquoi, alors que l’illustration est parfaitement bien
composée, avec des personnages identifiables pour un lecteur
honnêtement cultivé ? Sans doute pour
frapper davantage les esprits et proposer une sorte de
résumé de l’action remarquable de
Persée ; l’illustration pourrait
s’en trouver grandie. L’observation de la planche
ne dispenserait-elle pas de la lecture du texte ?
L’ouvrage ne devenant alors qu’un livre
d’images.
Le cabinet
d’art graphique du Musée du Louvre conserve une
belle sanguine non signée et donnée à
Pierre Brébiette [27]. Ce dessin aurait
été exécuté vers 1638-1639
pour une édition des Métamorphoses.
Non utilisé pour ce texte il aurait alors
été proposé pour le Tableau
du temple. La composition en tout point semblable, les
dimensions très proches ne laissent guère de
doute.
Le frontispice dessiné par Jacques de Sève pour Le Dictionnaire raisonné de Valmont de Bomare [28] est remarquable parce qu’il propose deux lettres fort différentes (fig. 11). L’une, sous le trait carré, en latin qui fait référence à la Genèse et l’autre dans l’illustration, rédigée en hébreu. Le dessinateur a choisi l’épisode au cours duquel Adam nomme les animaux créés par Dieu. Jacques de Sève, qui a dessiné les planches de L’Histoire naturelle de Buffon, sait représenter avec précision et vie les animaux. Il met ici en scène la variété des espèces du règne animal, correspondant au sujet de l’ouvrage de Valmont de Bomare. Cependant, l’iconographie et la lettre introduisent une dimension religieuse absente du dictionnaire. En effet, le sujet tiré de l’Ancien Testament est commenté par une citation en latin de la Genèse. En outre, des caractères hébraïques sont au cœur du soleil ; ils apparaissent tels des ornements et peuvent ainsi perdre de leur lisibilité. Ils ont été gravés de manière très libre et les spécialistes consultés s’accordent pour dire que l’hébreu est ici mal maîtrisé. La traduction n’en est donc pas aisée, mais ils sont plusieurs à déchiffrer « Yahvé » ; une lecture cohérente par rapport à l’iconographie. Une lettre en hébreu, ornementale à certains égards qui n’est cependant pas vide de sens.
Les portraits sont nombreux dans le livre, les graveurs prennent
souvent des peintures pour modèles. Parfois, comme nous le
verrons, le portrait est exécuté
d’après le modèle vivant. Deux
portraits sont insérés dans l’ Alaric
de Georges de Scudéry [29]. Le premier est celui de
Christine de Suède qui fait face à la
dédicace (fig.
12) tandis que le second, qui fait face à la
préface est celui de l’auteur (fig.
13). Les deux personnages sont
représentés de manière conventionnelle
de trois-quarts et à mi-corps dans un médaillon.
Celui du portrait de la reine Christine est orné et
agrémenté de flots, tandis que celui de
l’auteur est seulement mouluré. La lettre est
comme gravée dans l’élément
architecturé qui soutient les médaillons. Pour la
dédicataire, il s’agit d’un compliment
en forme de quatrains rédigés par
l’auteur. Le graveur Robert Nanteuil a pris pour
modèle un tableau de Sébastien Bourdon.
Concernant
Georges de Scudéry, la lettre livre une information capitale
par rapport à la fabrique de l’estampe, Robertus
Nanteuil ad Viuum faciebat. Le graveur a fait le portrait de
l’auteur d’après le modèle
vivant. Cette mention laisse également entendre que M. de
Scudéry n’avait pas encore
été portraituré. Enfin,
l’inscription qui a certainement reçu
l’approbation de l’auteur, fait
référence non pas à ses talents, mais
aux charges officielles qui assurent sa subsistance : Georges
de Scudéry se présente [30]. C’est
également une manière de rendre hommage au Roi de
France. La présence de portraits dans le livre à
figures soulève encore d’autres questions, surtout
lorsqu’il s’agit de figures connues. Ne pourrait-on
considérer que la lettre prévaut alors sur
l’effigie, l’attention du lecteur devant
être davantage retenue par le compliment ?