Le livre d’artiste, une création en miroir – Interactions entre peintre et poète
Entretien avec Michel Mousseau
- Marianne Simon-Oikawa
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Eric Sarner : Le point de départ de ce livre a été la rencontre, l’amitié qui naît entre deux artistes, dans laquelle il n’y a pas seulement de la chaleur, mais aussi de l’étonnement l’un de l’autre. Par exemple, je n’avais absolument aucune idée de ce que Michel allait faire, allait produire. Je n’ai rien projeté. Je connaissais son œuvre, mais je me suis dit : « Qu’est-ce qu’il va faire avec ça ? » C’était à coup sûr de l’étonnement programmé. Il serait intéressant de revenir au mot « illustrer », au verbe « illustrer ». On pense aux magazines, à la presse, qu’on lisait quand on était enfants. Illustrer, jusqu’à un certain point, c’est mettre en forme ce qui se passe dans le texte, si on prend vraiment la chose à ras le pavé. Or, Michel, lui, fait de l’illustration interprétative, c’est absolument magnifique. A chaque fois, j’ai été comblé par ce qu’il m’a renvoyé du texte. Il nous réinterroge.
Michel Mousseau : Simples merveilles, il faut du temps pour accorder les couleurs, les sept couleurs choisies qui correspondent aux sept parties du texte. Et puis aussi, trouver l’outil. Je ne voulais pas quelque chose qui ait une forme définie à fabriquer avec un petit pinceau. J’ai eu l’idée de ce spalter qui fait dix centimètres, et qui me permettait, en un tour de main, comme l’instant du destin, de donner la forme choisie qui est du sens. Au commencement, il y a aussi le choix des matières, la gouache, la peinture à l’huile, le crayon mine plomb, la gravure. Le premier livre fait avec Zéno, avec de la peinture à l’huile, a une espèce de profondeur par rapport au texte. En général, ce choix se fait pendant la nuit. Quand je dors, mon cerveau choisit, et le lendemain matin je me réveille, et je me dis « Tiens, c’est ça ».
Madeleine Renouard : Ce qui vient de me frapper dans la performance de Michel, je sais qu’il déteste ce mot mais ça ne fait rien, c’est sa lecture du texte d’Eric. Michel, lisant le texte, réinvestit en quelque sorte le travail poétique, il se retranche derrière Eric plutôt que d’imposer son propre travail. Le texte d’Eric est matriciel, et je dis cela en pensant à une expérience que j’ai vécue avec Robert Pinget [10], qui n’a jamais accepté les travaux d’artistes, même de grands comme Arroyo, qu’il considérait comme des interprétations fautives de son œuvre.