Illustrer ? Introduction
- Hélène Campaignolle-Catel,
Ségolène Le Men,
Marianne Simon-Oikawa

 

Centre d’étude de l’écriture et de l’image

et

Unité mixte de recherche Théorie et histoire des arts et des littératures de la modernité (Thalim, UMR 7172 CNRS, Université Sorbonne nouvelle-Paris 3)

Université Paris Nanterre (HAR, EA 4414)

Université de Tokyo

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A Barbara Wright, in memoriam

Le présent numéro est issu d’un colloque international qui s’est tenu les 24 et 25 janvier 2019 à l’Université de Paris Diderot – Paris 7 et à l’Institut national d’histoire de l’art à l’initiative de membres du Centre d’étude de l’écriture et de l’image. Il réunit dix-huit articles, un entretien et un cahier d’artiste, autour de la question de l’illustration. Pourquoi, comment, et jusqu’où peut-on accompagner un texte d’une image ? Question complexe, comme l’indique à lui seul le point d’interrogation placé à la fin du titre de cette livraison, et sur laquelle les auteurs rassemblés ici étaient invités à réfléchir.

De nombreux débats ont été menés sur la priorité respective de l’image et du texte, ou sur l’affirmation de la dépendance de l’image par rapport au texte [1]. Comment la co-présence de l’image et du texte dans un espace commun fait-elle sens ? Comment agit-elle sur la dynamique de la lecture ? ou lui fait-elle obstacle ? Mais il faut aussi s’interroger sur les supports associant texte et image. Quels sont les formats, les techniques, les emplois, les variations possibles de ces ensembles qui engagent l’histoire des regards et des savoirs, autant que celle des médias et de la culture visuelle ? Ce sont toutes ces questions que nous nous proposons d’aborder ici, dans une configuration intermédiale bien sûr, mais aussi diachronique et transaérale caractéristique du Centre d’étude de l’écriture et de l’image, qui se veut avant tout un lieu de rencontre et de confrontation intellectuelle, entre spécialistes issus de différentes disciplines et réunis autour d’interrogations communes [2] : le propos englobe à la fois le XIXe et le XXe siècles, et d’autres régions que l’hexagone puisque quatre contributions abordent la Suisse, l’Angleterre, la Chine et la Corée.

Deux articles offrent dans ce numéro un regard global sur l’illustration : le premier s’intéresse à l’émergence de l’illustration comprise comme un champ d’expression mixte et aux tensions qui en ont animé les acteurs au XIXe siècle, le second développe des propositions théoriques sur les rapports transgressifs entre le texte et l’image dans l’illustration. Ségolène Le Men replace d’abord l’illustration dans les débats qui, du romantisme aux visual studies d’aujourd’hui, n’ont cessé d’agiter les tenants et les opposants de l’illustration. Elle rappelle en particulier qu’au XIXe siècle, si les éditeurs n’ont pas tardé à mesurer le succès commercial que pouvait leur apporter la multiplication des vignettes dans le texte, les écrivains ont parfois témoigné d’une réticence, voire d’un refus très net de ce qu’ils percevaient comme une concurrence de l’image. Les dessinateurs se sont également exprimés à cet égard, tel Grandville, par ses vignettes réflexives et ses jeux d’images auto-poétiques dont un exemple emblématique accompagne la présentation du sommaire de ce numéro : dans le dessin de la collection Ronny Van de Velde, agrémenté de minutieuses annotations destinées au graveur sur bois, et préparatoire au hors texte terminant le premier tome des Scènes de la vie privée et publique des animaux (Paris, Hetzel et Paulin, 1842), l’illustrateur met en évidence le lecteur parmi les acteurs du livre, tout en jouant sur les emplacements canoniques de l’image dans le livre ; ce « post-frontispice » démultiplie l’effet de seuil dans sa composition à l’inquiétante étrangeté dont le naturalisme jouxte la fantaisie, et dont la scène figurée se mue en composition décorative. Dans une perspective théorique large développée dans une conférence inédite à ce jour, Anne-Marie Christin aborde pour sa part l’illustration à partir des formes et des enjeux de la « communication écrite ». Notant que l’illustration juxtapose sur un même support des informations hétérogènes, les unes verbales les autres visuelles, elle propose d’envisager toute illustration comme une « contamination transgressive » entre le texte et l’image. Ce texte prononcé en 2009 à l’Universidade Federal de Minas Gerais (Brésil), intitulé « De l’illustration comme transgression », donne lieu dans cette livraison de Textimage à un dossier d’archive  introduit par Michel Melot et par Márcia Arbex-Enrico, qui avait invité l’auteur et a transmis le tapuscrit et le diaporama, l’un et l’autre édités ici par Hélène Campaignolle-Catel, laquelle a également mené à cette occasion une étude bibliographique sur la notion d’illustration chez Anne-Marie Christin.

 

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sommaire

[1] Plusieurs titres d'ouvrages ou de séminaires récents, organisés avant ce colloque, insistaient eux aussi sur le questionnement inhérent à toute enquête sur l'illustration, témoignant de l'actualité de ces problématiques. Voir par exemple Anne-Christine Royère et Julien Schuh, L’Illustration en débat : techniques et valeurs (1861-1931), Reims, Epure, 2015 (compte rendu dans Textimage, Varia 5, consulté le 15 octobre 2020) ; le séminaire du Tigre à l’ENS organisé par Evanghelia Stead en 2018-2019, intitulé « L’illustration en questions », et Laurent Baridon et Pierre Vaisse (dir.), Du texte à l'image. L'interprétation savante des œuvres d'art, Lyon, Presses Universitaires de Lyon, 2018.
[2] Voir le carnet de recherche sur le site du Centre d’étude de l’écriture et de l’image.