[10] A propos de la réception d’Augustin à l’époque carolingienne, voir la rapide synthèse de T. F. X. Noble, Images, iconoclams and the Carolingians, Philadelphia, 2009, pp. 36-38.
[11] « Ipse caelestibus revelationibus (…) illustrabatur in terra, ita ut fere omnia quae ei proventura erant antea semper sive per somnium sive per intimam revelationem in mente sive per excessum ipsi cognita fierent » (Rimbert de Brême, Vita s. Anskarii, BHL 544, cap. 36, éd. G. Waitz, MGH, SRGerm 55, Hannover, 1884, pp. 13-79, cit. p. 70).
[12] Observer à ce propos comment la Bible de Souvigny (Moulins, BM 1, fol. 170) figure le début des visions d’Ezéchiel, « les cieux s’ouvrirent et je vis des visions de Dieu », par une vision in somno. L’image replacée dans son contexte est analysée par V. Rouchon Mouilleron, « Vision spirituelle et images combinées », Images Re-vues, Hors-série 9, 2020 (en ligne. Consulté le 20 octobre 2022)
[13] « […] et soudain, voici que la grâce divine le mit en présence des chœurs des anges et des bataillons des âmes bienheureuses (…) et il se mit à entendre leurs discussions les plus intimes. Entre autres sujets dont il entendit parler dans ce colloque céleste, ces esprits saints, avides du Salut des hommes, commencèrent à déplorer l’abaissement de l’Eglise gauloise et à échanger des propos nourris sur ce qu’il conviendrait de faire (…). Une voix sortit soudain du très secret sanctuaire d’en-haut (…) qui sonnait de la plus salutaire et de la plus douce des manières, une voix capable de consoler l’accablement des esprits présents, et d’annoncer ce qui allait venir » (« […] subito per divinam gratiam angelorum choris et animarum cetibus beatissimorum hominum (…) interfuit et familiarissimum cepit audire colloquium. Inter cetera igitur, que in conventu illo caelico audivit, etiam illi sancti spiritus humanae salutis avidi queritare ceperunt de Gallicane deiectione aecclesiae, et quid facto ad talia opus esset, crebro versare sermone (…). His inter se ita serentibus, subito vox affuit a superioribus atque secretioribus aditis saluberrime atque suavissime intonans, que et presentium solaretur spirituum mestitiam, et quod futurum erat », Hincmar de Reims, Vita s. Remigii, BHL 7152-7164, cap. 1, éd. B. Krusch, MGH, SRM III, Hannover, 1896, pp. 250-341, cit. p. 259. La source a été achevée avant 882).
[14] Vocation au martyre de saint Ansgar : voir Rimbert de Brême, Vita s. Anskarii, BHL 544, cap. 3, éd. cit. p. 23.
[15] « Medio vero fere noctis angelus Domini facie ad faciem ei locutus est », Passio sanctorum Irenaei, Andochi et sociorum atque Benigni, BHL 4457b-g, § 9, éd. J. Van der Straeten, « Les Actes des martyrs d’Aurélien en Bourgogne. Le texte de Farfa », Analecta Bollandiana, 79, 1961, pp. 447-468, éd. pp. 455-468, cit. p. 457.
[16] « […] in adolescentia sua (…) cum aliis pastoribus pecora domini sui pascebat, pernoctans in uigiliis secundum morem eius, mente fideli, pura fide, uberrimis orationibus, uidit uisionem quam ei Dominus reuelauit, hoc est coelo aperto non reseratione elementorum, sed spiritalibus oculis intuens, sicut beatus Iacob patriarcha in Luza quae cognominabatur Bethel, angelos ascendentes et descendentes uiderat », Vita s. Cuthberti, BHL 2019, éd. B. Colgrave, Two Lives of saint Cuthbert, Cambridge, 1940, pp. 59-138, cit. p. 68). Le passage, qui cite Gn 28, 12, dépend évidemment de la vision de Benoît de Nursie racontée par Grégoire le Grand dans les Dialogues, II, 35, infra.
[17] Le parallèle entre intelligence des Ecritures et compréhension mystique par la vision extatique est au cœur de l’expérience d’Alcuin : « Alcuin avait été enivré par la lecture mystique de l’évangile quand, assis devant le lit d’étude de son maître, son esprit fut soudain ravi en extase ». Parce qu’il a lu le récit de la Passion, Alcuin comprend que le monde entier est racheté par le sang du Christ et le voit enserré dans un enclos sanglant : « cette Passion, n’en doutons pas, occupait et brûlait l’âme d’Alcuin quand il l’étudiait devant son maître (...). Le monde tout entier donc se donne à voir environné par le sang du Christ sous une clôture unique quand toutes les choses que les saints pères ont réalisées en guise de signes et qui furent écrites depuis le commencement du monde, se trouvent dévoilées par l’unique Passion du Christ [...] » (« Hac ergo euangelica cum debriaretur lectione Albinus mistica, sedens ante magistri lectulum, subito eius spiritus in extasi ducitur (…). Noverit ille Christi sanguine totum sanctae ecclesiae ovile circumdatum, ita ut a solis ortu usque ad occasum redempti de manu inimici eius passione, quae tunc sine dubio ardentius Albini supersidebat animum (…). Omnis ergo mundus sanguine Christi circumdatus una sub clausura cernitur, quando omnia, quaecumque a sanctis patribus significative sunt gesta et ab initio mundi scripta, sola Christi passione reserantur […] », Vita s. Alcuini, BHL 242, cap. 7, éd. W. Arndt, MGH, SS 15-1, Hannover, 1887, pp. 188-189). La source date des années 820. Dans un contexte voisin, le disciple d’Alcuin Wizo-Candidus enseignait l’inutilité de la vision corporelle de Dieu : Epistola 39, éd. E. Dümmler, MGH, Epp. IV, Epistolae Karolini Aevi 2, Berlin, 1895, pp. 557-561.
[18] « Un jour qu’[Aldegonde] se trouvait dans une chambre retirée de sa maison et priait derrière la porte fermée, l’Esprit Saint fit tomber sur elle, par les fenêtres ouvertes, des rayons qu’on aurait dit de soleil et de lune. Genoux fléchis, elle était épouvantée par cette splendeur extrême et levant les yeux, vit un ange du Seigneur qui se tenait dans l’air. Il lui dit : “Tu as trouvé grâce auprès du Très-Haut. Ne vois-tu pas la grande splendeur du soleil et de la lune qui brille sur toi ?” Elle répondit : “Je vois bien, mon seigneur, mais je ne sais pas ce que ces images signifient.” » (« Quadam diem dum esset in secreto cubiculo domus suae et clauso aforis ostio oraret, Spiritus sanctus per insertas fenestras radios ad similitudinem solis et lunae emittebat super eam. Quae genu flexo pre nimio splendore perterrita respiciens uidit angelum Domini in aere stantem, qui dixit ad eam : “Inuenisti gratiam apud Altissimum. Nonne uides magnum splendorum solis et lunae micantem super te ?” At illa respondens ait : “Uideo Domine mi, sed ignoro quid ista figurent” », Vita Ia s. Aldegundae, BHL 244, cap. 11, éd. J. Mabillon, AASS OSB, Saec. II, Paris, 1669, pp. 807-815, cit. p. 811).
[19] « O quam admirandas, quam concordantes, et vnius rei indicia designantes, vel in perpetua memoria retinendas, in noctis tenebris adhuc positi, illuminati iam prædestinatione ex gratia Spiritus sancti, tres fratres gemini meruerunt videre visiones ! His tribus pueris, obtentu auiæ, antea est Trinitas reuelata per gratiam, antequam plenam Christi perciperent disciplinam ; viderunt illuminatis ex parte oculis prius Dominum Deum, quam per oris confessionem plenius cognoscerent Saluatorem », Passio ss. Speusippi, Eleusippi, Meleusippi, BHL 7829, cap. 9, éd. J. Bolland, AASS, Ian. II, Anvers, 1643, pp. 76-80, cit. p. 78. La source latine date des VIe-VIIe siècles.
[20] Comme les Trijumeaux, Aldegonde a la révélation de sa vocation par une « vision indirecte » ou métaphorique, « dont elle ignore ce qu’elle voulait dire » (« quidnam uellet uisio aenigmatica ignorabat »). La vision décille ses yeux spirituels : « de ses yeux dont les écailles étaient désormais tombées, elle commença à voir plus clair le don que le Ciel lui avait promis de recevoir » (« coepit clarius uidere iam solutis squamis ab oculis, donum caeleste sibi promissum percipere »,Vita Ia s. Aldegundae, BHL 244, cap. 5, éd. J. Mabillon, AASS OSB, Saec. II, Paris, 1669, pp. 807-815, cit. p. 809).
[21] « Il nous faut désormais en venir aux visions qui lui ont été manifestées alors qu’elle vivait encore sous le toit paternel : elle les a mises par écrit elle-même et les a transmises à un pieux abbé nommé Sobinus, du monastère de Nivelles, et à un autre frère dont nous ignorons le nom, et qui écrivit ses visions et sa vie – ceci pour éviter qu’on nous accuse d’avoir fabriqué par un propos mensonger ces visions si étonnantes et presque inouïes. Une nuit donc, elle apprend par une vision que des richesses inestimables lui sont promises » (« Nvnc veniendum est ad visiones quæ sibi apparuerant, dum adhuc conuersaretur in laribus paternis, quas ipsa descripserat et tradiderat cuidam religioso abbati, nomine Sobino, de monasterio Niuellensi, et alteri fratri, cuius nomen ignoramus, quique scripsit visiones eius et vitam, ne quis dicat nostro mendacio compositas tam mirabiles et pene inauditas visiones. Quadam itaque nocte audit sibi per visionem promitti inæstimabiles diuitias », Vita IIa s. Aldegundae, BHL 245, cap. 5, éd. J. Bolland, AASS, Ian. II, Anvers, 1643, pp. 1035-1040, cit. p. 1036). L’hagiographe travaille dans un contexte carolingien de méfiance vis-à-vis de l’illusion, qu’on ne saurait borner aux seuls effets des crises iconoclastes : voir en dernier lieu D. M. Polanichka, « ‘Quasi per speculum’ : vision, vigilance and the natural world in Dhuoda’s Liber manualis », Journal of Medieval History, 46, 2020, pp. 1-22.
[22] « Cyr s’allongea et il priait quand le diable vint dans son sommeil sous la forme d’un ange. Il dit à l’enfant : “Enfant, pourquoi faire monter ta prière devant la face du Seigneur ton Dieu ?” et “Dieu se détourne de ta prière. C’est pourquoi il m’a donné l’ordre de venir te dire que, si les soldats te font sortir [de prison] et que le gouverneur s’adresse à toi, tu ne dois rien lui répondre mais devenir ami avec les princes, et tu jouiras des biens célestes” » (« Explicante eo et orante, uenit diabulus in somnis in scima angeli et dixit puero “Quid exaltas puer orationem tuam in conspectu Domini Dei tui ?” et “Deus auertit se ab orationem tuam. Ideo iussit me uenire ad te ut dicam tibi si te eduxerint militis et dixerit tibi praesis uerbum aliquod dic ad eum nihil referens et sis amicus cum principibus et qua caelestia sunt lucrabis” », Passio Ciryci et Iulittae, BHL 1803b, éd. Fr. Dolbeau, Le légendier de Turin, Firenze, 2014, p. 503 [ponctuation ajoutée]). L’histoire se répète dans la Passion de sainte Julienne, BHL 4522-4523, elle aussi traduite du grec, Ibid., p. 661.
[23] « Quodam enim die, praemissa prae se et circumiectus ipse luce purpurea, quo facilius claritate adsumpti fulgoris inluderet, ueste etiam regia indutus, diademate ex gemmis auroque redimitus, calceis auro inlitis, sereno ore, laeta facie, ut nihil minus quam diabolus putaretur, oranti in cellula adstitit. Cumque Martinus primo aspectu eius fuisset hebetatus, diu mutum silentium ambo tenuerunt. Tum prior diabolus : “Agnosce, inquit, Martine quem cernis : Christus ego sum ; descensurus ad terram prius me manifestare tibi uolui”. Ad haec cum Martinus taceret nec quidquam responsi referret, iterare ausus est diabolus professionis audaciam : “Martine, quid dubitas ? Crede cum uideas. Christus ego sum”. Tum ille reuelante sibi spiritu ut intellegeret diabolum esse, non Dominum : “Non se, inquit, Iesus Dominus purpuratum nec diademate renidentem uenturum esse praedixit. Ego Christum nisi in eo habitu formaque qua passus est, nisi crucis stigmata praeferentem, uenisse non credam”. Ad hanc ille vocem statim ut fumus euanuit », Sulpice Sévère, Vita s. Martini, BHL 5610, cap. 7, 4-5, éd. J. Fontaine, Paris, « Sources Chrétiennes 133 », 1967, pp. 248-316, cit. pp. 306-308, traduction personnelle. Le texte date de 397.