La fenêtre dans l’hagiographie latine
(Ve-XIIe siècles)

- Marie-Céline Isaïa
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En héritiers d’Augustin [10] plus que de Macrobe, les hagiographes usent d’une taxinomie éprouvée à laquelle Rimbert évêque de Brême se réfère pour classer entre 865 et 876, les révélations dont a bénéficié son prédécesseur Ansgar : « Illuminé sur terre par des révélations célestes, Ansgar connaissait presque tout ce qui devait lui arriver toujours à l’avance, soit par songe, soit par une révélation intellectuelle intérieure, soit par une sortie de lui-même » [11]. Songe, révélation intellectuelle, extase : il n’y a pas de place pour les images dans cette tradition. Le songe, qui est la modalité la plus fréquente de la vision dans l’hagiographie, se pratique les yeux fermés [12], à rebours de l’expérience décrite pour le lépreux de Saint-Denis. Dans ces moments nocturnes, in somno, les révélations s’entendent plus qu’elles ne se voient. Le merveilleux incipit de la Vie de saint Remi écrite au IXe siècle par Hincmar de Reims raconte ainsi comment l’ermite Montan, qui reçoit « de fréquentes visions et révélations du Ciel », est témoin pendant qu’il dort d’un colloque céleste, d’un conciliabule angélique, jusqu’à ce que la voix de Dieu lui-même se fasse entendre [13]. A aucun moment l’hagiographe n’esquisse de description puisqu’il ne s’agit pas de voir un Dieu dont toute l’Ecriture affirme qu’il parle mais ne se montre pas. Rimbert décrit exactement à la même époque comment saint Ansgar parut devant la présence lumineuse mais sans visage d’un Tout-Puissant tout entier manifesté par sa voix [14]. La tradition n’a pas varié depuis ce VIe siècle où l’hagiographe de saint Irénée de Lyon pouvait écrire qu’« au milieu de la nuit l’ange du Seigneur lui parla face à face » [15]. Facie ad faciem est l’expression que Jacob utilise selon la Vulgate pour dire son combat avec l’ange (Gn 32, 30), soit un corps à corps sans visage.

L’hagiographie du reste décrit d’autant moins des images qu’elle s’intéresse davantage à l’état du saint voyant qu’aux modalités, circonstances voire objets de sa vision. Dans ce passage représentatif emprunté à la Vie anonyme écrite pour saint Cuthbert (m. 687) moins de vingt ans après sa mort, il est ainsi question d’un état nocturne d’extase, explicitement comparé au songe de Jacob. La vision communique une connaissance – en l’occurrence la mort d’un évêque dont l’âme rejoint Dieu – mais pas d’image identifiable :

 

[…] durant son adolescence, (…) il s’occupait avec d’autres bergers de faire paître les brebis de son maître ; il passait comme à son habitude la nuit à veiller, l’esprit tout occupé, dans sa foi sans mélange, d’intarissables prières, quand il eut une vision, une vision que le Seigneur lui fit connaître : le ciel s’ouvrit, mais non parce que les éléments se seraient écartés ! parce qu’il regardait de toute l’attention de ses yeux spirituels, comme le bienheureux patriarche Jacob à Luz, qu’il avait surnommée Béthel, avait vu les anges monter et descendre [16].

 

Spirituelle et non physique, la vision produit d’une façon immédiate ce que la méditation des Ecritures apporte d’une façon discursive, soit l’intelligence du plan divin [17].

Entre songes et extase, la Bible ménage cependant une place pour des images apocalyptiques, soit des images mystérieuses qui exigent un commentaire pour faire connaître la révélation dont elles sont porteuses. Comme le dit sainte Aldegonde, « je vois bien, mais je ne sais pas ce que ces images signifient » [18]. Les hagiographes n’usent de ce ressort qu’avec parcimonie, et plutôt au cours des VIIe et VIIIe siècles. Il faut l’adaptation latine d’une tradition grecque pour qu’on découvre dans la Passion des Trijumeaux de Langres les visions énigmatiques des trois frères Speusippe, Eleusippe et Méleusippe : tant qu’ils restent païens, ils ne peuvent pas comprendre les images qu’ils reçoivent ; elles ne deviennent signifiantes qu’après qu’ils ont été convertis par le témoignage de leur grand-mère Léonilla. L’auditeur de cette Passion savoure le passage, parce que les images incompréhensibles aux Trijumeaux – un roi leur distribue des couronnes, un roi les enrôle à son service, leur grand-mère les allaite – sont des métaphores familières aux chrétiens : les trois hommes, nourris au lait de la vraie foi, deviendront catholiques et martyrs. L’hagiographe commente :

 

Qu’elles sont étonnantes, qu’elles sont concordantes ces visions qui sont les indices d’une seule et unique réalité, et comme on doit les retenir sans les oublier jamais ! Ils étaient encore dans les ténèbres de la nuit quand, illuminés déjà par la grâce du Saint Esprit du fait de leur vocation anticipée, les trois frères jumeaux méritèrent d’avoir de telles visions. Par l’intercession de leur aïeule, la Trinité se révéla à ces trois enfants par grâce avant qu’ils aient reçu l’enseignement du Christ en plénitude : ils virent le Seigneur Dieu de leurs yeux partiellement illuminés avant de le connaître et de le confesser pleinement comme Sauveur [19].

 

L’hagiographe fait entendre la vulgate la plus orthodoxe : seule la foi ouvre les yeux de l’esprit sur des images que les yeux de chair peuvent bien percevoir, mais sans les comprendre. Les récits hagiographiques du haut Moyen Age prennent, peu ou prou, les mêmes précautions : il ne faudrait pas inciter les fidèles à rechercher des visions qui, pas plus que d’autres charismes exceptionnels, ne font la sainteté véritable. Mieux vaut amoindrir la singularité fascinante de ces expériences : c’est du moins le dessein qui préside à la transformation au IXe siècle du dossier de sainte Aldegonde abbesse de Maubeuge. Alors que les visions annonciatrices abondent dans la Vie de l’abbesse du début du VIIIe siècle [20], elles sont atténuées par un discours indirect qui donne leur signification spirituelle avant même de les résumer [21].

La raison la plus évidente pour se méfier des visions sensibles est qu’elles sont trompeuses. L’hagiographie sait combien le diable essaie de se faire passer pour Dieu en jouant sur les apparences. La menace apparaît notamment dans la Passion fabuleuse du jeune Cyr et de sa mère Julitte, récit qui a connu un grand succès en Orient comme en Occident entre le IVe et le VIe siècle malgré sa condamnation par le Décret gélasien. L’une des versions latines les plus anciennes, traduite du grec, raconte l’apparition du diable à l’enfant Cyr qui a été jeté en prison pour tenter de le faire abjurer [22]. La méfiance vis-à-vis de l’ange séducteur est cependant surtout entretenue en Occident par la Vie de saint Martin, évêque de Tours (m. 397). Sulpice Sévère raconte combien le diable ne cesse de se manifester à Martin sous divers aspects, jusqu’à prétendre être le Christ :

 

Il se fit un jour précéder d’une lumière rutilante qui l’environnait, pour jouer plus facilement sur la clarté et la splendeur qu’il avait revêtues : sous un habit royal, ceint d’un diadème d’or et de pierres précieuses, paré de chaussures d’or, l’air serein, le visage souriant, il pouvait s’agir de tout sauf du diable. Il se présenta dans sa cellule à Martin qui priait. Martin resta bouche bée dès qu’il le vit, si bien qu’ils gardèrent longtemps le silence tous les deux. Le diable prit le premier la parole : « Rends-toi à l’évidence, Martin : je suis le Christ. Comme je descendais sur terre, j’ai voulu commencer par me manifester à toi. » Et comme Martin se taisait et ne répondait rien, le diable eut l’audace de réitérer son affirmation : « Martin, pourquoi hésiter ? Crois ce que tu vois. Je suis le Christ. » L’Esprit se révéla alors à Martin pour qu’il comprenne que ce n’était pas le Seigneur mais le diable : « Le Seigneur Jésus, dit-il, n’a pas annoncé qu’il viendrait revêtu de pourpre rutilante ni d’un brillant diadème. Pour moi, je ne croirai que c’est le Christ qui est venu que s’il a l’allure et l’aspect qu’il avait à sa mort et s’il porte les marques de la croix. » A ces paroles, l’autre s’évanouit aussitôt comme une fumée [23].

 

Les hagiographes sont prévenus : les images sont trompeuses et les visions dangereuses, tout en étant fréquentes dans l’existence des saints. A défaut de pouvoir ou de vouloir les supprimer, ils cherchent donc à les authentifier par des dispositifs matériels ; si voir « dans un miroir » (per speculum) produit une vision indirecte, voir par la fenêtre leur semble promettre une vision fiable.

 

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[10] A propos de la réception d’Augustin à l’époque carolingienne, voir la rapide synthèse de T. F. X. Noble, Images, iconoclams and the Carolingians, Philadelphia, 2009, pp. 36-38.
[11] « Ipse caelestibus revelationibus (…) illustrabatur in terra, ita ut fere omnia quae ei proventura erant antea semper sive per somnium sive per intimam revelationem in mente sive per excessum ipsi cognita fierent » (Rimbert de Brême, Vita s. Anskarii, BHL 544, cap. 36, éd. G. Waitz, MGH, SRGerm 55, Hannover, 1884, pp. 13-79, cit. p. 70).
[12] Observer à ce propos comment la Bible de Souvigny (Moulins, BM 1, fol. 170) figure le début des visions d’Ezéchiel, « les cieux s’ouvrirent et je vis des visions de Dieu », par une vision in somno. L’image replacée dans son contexte est analysée par V. Rouchon Mouilleron, « Vision spirituelle et images combinées », Images Re-vues, Hors-série 9, 2020 (en ligne. Consulté le 20 octobre 2022)
[13] « […] et soudain, voici que la grâce divine le mit en présence des chœurs des anges et des bataillons des âmes bienheureuses (…) et il se mit à entendre leurs discussions les plus intimes. Entre autres sujets dont il entendit parler dans ce colloque céleste, ces esprits saints, avides du Salut des hommes, commencèrent à déplorer l’abaissement de l’Eglise gauloise et à échanger des propos nourris sur ce qu’il conviendrait de faire (…). Une voix sortit soudain du très secret sanctuaire d’en-haut (…) qui sonnait de la plus salutaire et de la plus douce des manières, une voix capable de consoler l’accablement des esprits présents, et d’annoncer ce qui allait venir » (« [subito per divinam gratiam angelorum choris et animarum cetibus beatissimorum hominum (…) interfuit et familiarissimum cepit audire colloquium. Inter cetera igitur, que in conventu illo caelico audivit, etiam illi sancti spiritus humanae salutis avidi queritare ceperunt de Gallicane deiectione aecclesiae, et quid facto ad talia opus esset, crebro versare sermone (…). His inter se ita serentibus, subito vox affuit a superioribus atque secretioribus aditis saluberrime atque suavissime intonans, que et presentium solaretur spirituum mestitiam, et quod futurum erat », Hincmar de Reims, Vita s. Remigii, BHL 7152-7164, cap. 1, éd. B. Krusch, MGH, SRM III, Hannover, 1896, pp. 250-341, cit. p. 259. La source a été achevée avant 882).
[14] Vocation au martyre de saint Ansgar : voir Rimbert de Brême, Vita s. Anskarii, BHL 544, cap. 3, éd. cit. p. 23.
[15] « Medio vero fere noctis angelus Domini facie ad faciem ei locutus est », Passio sanctorum Irenaei, Andochi et sociorum atque Benigni, BHL 4457b-g, § 9, éd. J. Van der Straeten, « Les Actes des martyrs d’Aurélien en Bourgogne. Le texte de Farfa », Analecta Bollandiana, 79, 1961, pp. 447-468, éd. pp. 455-468, cit. p. 457.
[16] « […] in adolescentia sua (…) cum aliis pastoribus pecora domini sui pascebat, pernoctans in uigiliis secundum morem eius, mente fideli, pura fide, uberrimis orationibus, uidit uisionem quam ei Dominus reuelauit, hoc est coelo aperto non reseratione elementorum, sed spiritalibus oculis intuens, sicut beatus Iacob patriarcha in Luza quae cognominabatur Bethel, angelos ascendentes et descendentes uiderat », Vita s. Cuthberti, BHL 2019, éd. B. Colgrave, Two Lives of saint Cuthbert, Cambridge, 1940, pp. 59-138, cit. p. 68). Le passage, qui cite Gn 28, 12, dépend évidemment de la vision de Benoît de Nursie racontée par Grégoire le Grand dans les Dialogues, II, 35, infra.
[17] Le parallèle entre intelligence des Ecritures et compréhension mystique par la vision extatique est au cœur de l’expérience d’Alcuin : « Alcuin avait été enivré par la lecture mystique de l’évangile quand, assis devant le lit d’étude de son maître, son esprit fut soudain ravi en extase ». Parce qu’il a lu le récit de la Passion, Alcuin comprend que le monde entier est racheté par le sang du Christ et le voit enserré dans un enclos sanglant : « cette Passion, n’en doutons pas, occupait et brûlait l’âme d’Alcuin quand il l’étudiait devant son maître (...). Le monde tout entier donc se donne à voir environné par le sang du Christ sous une clôture unique quand toutes les choses que les saints pères ont réalisées en guise de signes et qui furent écrites depuis le commencement du monde, se trouvent dévoilées par l’unique Passion du Christ [...] » (« Hac ergo euangelica cum debriaretur lectione Albinus mistica, sedens ante magistri lectulum, subito eius spiritus in extasi ducitur (…). Noverit ille Christi sanguine totum sanctae ecclesiae ovile circumdatum, ita ut a solis ortu usque ad occasum redempti de manu inimici eius passione, quae tunc sine dubio ardentius Albini supersidebat animum (…). Omnis ergo mundus sanguine Christi circumdatus una sub clausura cernitur, quando omnia, quaecumque a sanctis patribus significative sunt gesta et ab initio mundi scripta, sola Christi passione reserantur […] », Vita s. Alcuini, BHL 242, cap. 7, éd. W. Arndt, MGH, SS 15-1, Hannover, 1887, pp. 188-189). La source date des années 820. Dans un contexte voisin, le disciple d’Alcuin Wizo-Candidus enseignait l’inutilité de la vision corporelle de Dieu : Epistola 39, éd. E. Dümmler, MGH, Epp. IV, Epistolae Karolini Aevi 2, Berlin, 1895, pp. 557-561.
[18] « Un jour qu’[Aldegonde] se trouvait dans une chambre retirée de sa maison et priait derrière la porte fermée, l’Esprit Saint fit tomber sur elle, par les fenêtres ouvertes, des rayons qu’on aurait dit de soleil et de lune. Genoux fléchis, elle était épouvantée par cette splendeur extrême et levant les yeux, vit un ange du Seigneur qui se tenait dans l’air. Il lui dit : “Tu as trouvé grâce auprès du Très-Haut. Ne vois-tu pas la grande splendeur du soleil et de la lune qui brille sur toi ?” Elle répondit : “Je vois bien, mon seigneur, mais je ne sais pas ce que ces images signifient.” » (« Quadam diem dum esset in secreto cubiculo domus suae et clauso aforis ostio oraret, Spiritus sanctus per insertas fenestras radios ad similitudinem solis et lunae emittebat super eam. Quae genu flexo pre nimio splendore perterrita respiciens uidit angelum Domini in aere stantem, qui dixit ad eam : “Inuenisti gratiam apud Altissimum. Nonne uides magnum splendorum solis et lunae micantem super te ?” At illa respondens ait : “Uideo Domine mi, sed ignoro quid ista figurent” », Vita Ia s. Aldegundae, BHL 244, cap. 11, éd. J. Mabillon, AASS OSB, Saec. II, Paris, 1669, pp. 807-815, cit. p. 811).
[19] « O quam admirandas, quam concordantes, et vnius rei indicia designantes, vel in perpetua memoria retinendas, in noctis tenebris adhuc positi, illuminati iam prædestinatione ex gratia Spiritus sancti, tres fratres gemini meruerunt videre visiones ! His tribus pueris, obtentu auiæ, antea est Trinitas reuelata per gratiam, antequam plenam Christi perciperent disciplinam ; viderunt illuminatis ex parte oculis prius Dominum Deum, quam per oris confessionem plenius cognoscerent Saluatorem », Passio ss. Speusippi, Eleusippi, Meleusippi, BHL 7829, cap. 9, éd. J. Bolland, AASS, Ian. II, Anvers, 1643, pp. 76-80, cit. p. 78. La source latine date des VIe-VIIe siècles.
[20] Comme les Trijumeaux, Aldegonde a la révélation de sa vocation par une « vision indirecte » ou métaphorique, « dont elle ignore ce qu’elle voulait dire » (« quidnam uellet uisio aenigmatica ignorabat »). La vision décille ses yeux spirituels : « de ses yeux dont les écailles étaient désormais tombées, elle commença à voir plus clair le don que le Ciel lui avait promis de recevoir » (« coepit clarius uidere iam solutis squamis ab oculis, donum caeleste sibi promissum percipere »,Vita Ia s. Aldegundae, BHL 244, cap. 5, éd. J. Mabillon, AASS OSB, Saec. II, Paris, 1669, pp. 807-815, cit. p. 809).
[21] « Il nous faut désormais en venir aux visions qui lui ont été manifestées alors qu’elle vivait encore sous le toit paternel : elle les a mises par écrit elle-même et les a transmises à un pieux abbé nommé Sobinus, du monastère de Nivelles, et à un autre frère dont nous ignorons le nom, et qui écrivit ses visions et sa vie – ceci pour éviter qu’on nous accuse d’avoir fabriqué par un propos mensonger ces visions si étonnantes et presque inouïes. Une nuit donc, elle apprend par une vision que des richesses inestimables lui sont promises » (« Nvnc veniendum est ad visiones quæ sibi apparuerant, dum adhuc conuersaretur in laribus paternis, quas ipsa descripserat et tradiderat cuidam religioso abbati, nomine Sobino, de monasterio Niuellensi, et alteri fratri, cuius nomen ignoramus, quique scripsit visiones eius et vitam, ne quis dicat nostro mendacio compositas tam mirabiles et pene inauditas visiones. Quadam itaque nocte audit sibi per visionem promitti inæstimabiles diuitias », Vita IIa s. Aldegundae, BHL 245, cap. 5, éd. J. Bolland, AASS, Ian. II, Anvers, 1643, pp. 1035-1040, cit. p. 1036). L’hagiographe travaille dans un contexte carolingien de méfiance vis-à-vis de l’illusion, qu’on ne saurait borner aux seuls effets des crises iconoclastes : voir en dernier lieu D. M. Polanichka, « ‘Quasi per speculum : vision, vigilance and the natural world in Dhuoda’s Liber manualis », Journal of Medieval History, 46, 2020, pp. 1-22.
[22] « Cyr s’allongea et il priait quand le diable vint dans son sommeil sous la forme d’un ange. Il dit à l’enfant : “Enfant, pourquoi faire monter ta prière devant la face du Seigneur ton Dieu ?” et “Dieu se détourne de ta prière. C’est pourquoi il m’a donné l’ordre de venir te dire que, si les soldats te font sortir [de prison] et que le gouverneur s’adresse à toi, tu ne dois rien lui répondre mais devenir ami avec les princes, et tu jouiras des biens célestes” » (« Explicante eo et orante, uenit diabulus in somnis in scima angeli et dixit puero “Quid exaltas puer orationem tuam in conspectu Domini Dei tui ?” et “Deus auertit se ab orationem tuam. Ideo iussit me uenire ad te ut dicam tibi si te eduxerint militis et dixerit tibi praesis uerbum aliquod dic ad eum nihil referens et sis amicus cum principibus et qua caelestia sunt lucrabis” », Passio Ciryci et Iulittae, BHL 1803b, éd. Fr. Dolbeau, Le légendier de Turin, Firenze, 2014, p. 503 [ponctuation ajoutée]). L’histoire se répète dans la Passion de sainte Julienne, BHL 4522-4523, elle aussi traduite du grec, Ibid., p. 661.
[23] « Quodam enim die, praemissa prae se et circumiectus ipse luce purpurea, quo facilius claritate adsumpti fulgoris inluderet, ueste etiam regia indutus, diademate ex gemmis auroque redimitus, calceis auro inlitis, sereno ore, laeta facie, ut nihil minus quam diabolus putaretur, oranti in cellula adstitit. Cumque Martinus primo aspectu eius fuisset hebetatus, diu mutum silentium ambo tenuerunt. Tum prior diabolus : “Agnosce, inquit, Martine quem cernis : Christus ego sum ; descensurus ad terram prius me manifestare tibi uolui”. Ad haec cum Martinus taceret nec quidquam responsi referret, iterare ausus est diabolus professionis audaciam : “Martine, quid dubitas ? Crede cum uideas. Christus ego sum”. Tum ille reuelante sibi spiritu ut intellegeret diabolum esse, non Dominum : “Non se, inquit, Iesus Dominus purpuratum nec diademate renidentem uenturum esse praedixit. Ego Christum nisi in eo habitu formaque qua passus est, nisi crucis stigmata praeferentem, uenisse non credam”. Ad hanc ille vocem statim ut fumus euanuit », Sulpice Sévère, Vita s. Martini, BHL 5610, cap. 7, 4-5, éd. J. Fontaine, Paris, « Sources Chrétiennes 133 », 1967, pp. 248-316, cit. pp. 306-308, traduction personnelle. Le texte date de 397.