Galeries picturales,
galeries littéraires :
imitation et transposition de modèles dans
Les Peintures morales (1640-1643) et
La Gallerie des femmes fortes (1647)
du père Pierre Le Moyne
– Catherine Pascal
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« Recentrage », car si les gravures et les « peintures » mêlent, dans Les Peintures morales, thèmes mythologiques, allégoriques et historiques qui, notons-le, relèvent tous du « grand genre », le plus prisé de la clientèle, le plus auréolé de prestige selon la hiérarchie des genres picturaux au XVIIe siècle, se confirme toutefois dans La Gallerie des femmes fortes une propension déjà notable dans le deuxième tome des Peintures morales, en l’occurrence la primauté accordée aux « nobles exemples tirez de l’histoire ancienne et moderne » [48]. Si ce choix, qui exclut principalement les sujets fabuleux de la mythologie, correspond à la volonté manifeste du Jésuite d’« apprendre à ceux qui courent après les Phantosmes des Romans, que la verité n’est pas seulement plus instructive, mais qu’elle est encore plus belle et plus divertissante que le mensonge » [49], peut-être d’autres considérations, artistiques celles-là, et qui concernent aussi la dispositio, c’est-à-dire l’ordonnancement de la galerie, sont-elles également entrées en jeu.
De la dispositio ou de l’ordonnancement des peintures
L’histoire
de la galerie picturale dans la première moitié
du XVIIe siècle voit en effet s’affronter deux
conceptions de l’espace et du décor :
l’une, dite « à
l’italienne », qui,
héritée de la Renaissance, faisant la part belle
à l’allégorie et à la
mythologie, et accordant autant d’importance au
décor de la voûte qu’à celui
des murs, est, par exemple, celle de la galerie d’Ulysse
à Fontainebleau ; l’autre, dite
« à la
française », qui,
élaborée à la fin du règne
de Henri IV, privilégiant l’histoire et mettant
l’accent sur les parois latérales,
prédomine sous Louis XIII, avant que
« l’offensive baroque »
impulsée par Mazarin en 1646-1647, avec la
décoration par Romanelli de la galerie haute de son
hôtel [50], ne signe le retour triomphal du
modèle rival, amorcé dès la décennie 1630 [51].
Ne
faut-il alors voir qu’une simple coïncidence dans le
fait que le Temple de l’Isle de Pureté
possède deux galeries, comme le château de
Fontainebleau, le palais du Louvre, le château de
Saint-Germain-en-Laye ou encore le palais Cardinal de Richelieu dont
l’aménagement va inspirer, à partir de
1635, celui des demeures de Claude de Bullion, surintendant des
finances, ou de Pierre Séguier, chancelier, justement
représentatives de cette architecture nouvelle, celle de
l’hôtel parisien à deux galeries donnant
sur un jardin ? Et si ces galeries sont disposées
en équerre (comme les
« Petite » et
« Grande » galeries du Louvre),
en enfilade (comme au palais Cardinal) ou ont de plus en plus tendance
à se superposer (comme à
l’hôtel de Bullion, à
l’hôtel Séguier ou au palais Mazarin),
il n’en reste pas moins que la disposition adoptée
par le père Le Moyne (« deux galeries de
peintures, qui tiennent toute la longueur de
l’édifice, et lui font de part et
d’autre deux ailes égales » [52])
n’est pas sans faire penser aux deux galeries
parallèles et symétriques, disposées
au premier étage des deux ailes latérales,
perpendiculaires au bâtiment central et encadrant la cour
d’honneur du palais du Luxembourg, construit à
partir de 1615 par Salomon de Brosse pour la reine mère
Marie de Médicis [53]. Quant aux
« peintures » (six pour
« l’Amour
d’amitié » et six
pour « l’Amour conjugal »)
qui les ornent, leur nombre total revêt lui aussi une valeur
symbolique : douze, comme les douze signes du zodiaque [54]
ou les douze mois de l’année,
« figurés par des énigmes et
des métamorphoses » sur les murs de la
galerie basse de l’hôtel de Bullion en 1634 par le
peintre Jacques Blanchard, selon Henri Sauval [55] ;
douze, comme les douze compositions qui se lisent deux par deux, face
à face dans ce jeu de travées rythmées
par les douze grandes ouvertures de la galerie François 1er
à Fontainebleau…
Coïncidence
encore que l’influence italienne, qui se fait sentir dans les
galeries françaises depuis le retour de Simon Vouet de Rome
en 1627, par la fusion de tous les arts et l’association dans
le décor peint de l’histoire et de la fable par
des artistes formés à
l’école romaine [56], soit
peut-être habilement suggérée dès le frontispice
des Peintures morales par l’union de la
peinture et de la sculpture et la juxtaposition sur les trumeaux des
représentations d’« Annibal
après la bataille de Cannes »
et d’« Andromède
attachée à son rocher » ?
Et ne pourrait-on d’ailleurs interpréter cette
étrange « sixième » peinture
« composée de diverses histoires, qui
font un corps de tableau, par la liaison que le peintre leur a
donnée » comme une transposition de la
grande fresque de la voûte, la plus riche parce
qu’assemblant plusieurs motifs, caractéristique
une fois encore de la conception « à
l’italienne » ?
Coïncidence
toujours que le deuxième volume des Peintures
morales exalte la
« souveraineté de l’Amour sur
les autres passions » et passe en revue les
« Caractères des divers
Amours », du
« Brutal » jusqu’au
« Divin »,
« qui est la derniere forme et la perfection de
l’Amour Humain » [57], alors
même que le décor de la galerie Farnèse
célèbre justement l’Amour
conquérant sur le mode mythologique, et qu’il
s’impose, depuis son achèvement en 1600 par
Annibal Carrache, comme l’œuvre la plus importante
de toute l’Italie au point de constituer une source de
fascination durable et d’inspiration
inégalée pour tous les artistes
français de passage à Rome [58] ? Un
cycle que Giovanni Pietro Bellori, en 1672, interprètera de
façon moralisante comme illustrant le thème
néoplatonicien du triomphe de l’Amour
sacré au terme de sa lutte avec l’Amour profane
[59]…
Coïncidence
enfin que l’histoire d’Andromède
attachée à son rocher, ou encore celles
d’Alcyoné et Céyx et de Pyrame et
Thisbé, qui figurent au nombre des
« Fidèles Morts »,
soient empruntées aux Métamorphoses
d’Ovide [60], œuvre certes commune au
fonds culturel collectif des « honnestes gens »,
mais qui n’en était pas moins une mine de
références incontournables pour les programmes
iconographiques des galeries, dont celles du palais Farnèse
et, plus tard, en France, du palais Mazarin et de
l’hôtel de La Vrillière [61] ?
S’il
est difficile de fonder le rapport des Peintures morales
au modèle « italien »
de la galerie autrement que sur un faisceau de présomptions,
en revanche, le lien entre La Gallerie des femmes fortes
et le modèle « à la
française » nous paraît moins
malaisé à établir. La
rédaction en 1600 par Antoine de Laval, sollicité
par Sully, des Peintures convenables aus Basiliques et
Palais du Roy, memes à sa Gallerie du Louvre à
Paris [62], est étroitement
liée au projet de réaménager la
« Petite » et la
« Grande Galerie » du Louvre. Le
modèle de galerie prôné par ce
géographe s’écarte
résolument du modèle italien et repose, selon
Jacques Thuillier, sur un principe simple, celui de
« convenance », qui
« exige que la demeure du roi, la
’basilique’, reçoive une
décoration en rapport avec la dignité du lieu, et
qui serve à l’édification des sujets et
de la postérité » [63].
En conséquence, toute idée de
« divertissement » pour
l’œil et pour l’esprit étant
exclue, il faut en bannir la mythologie [64],
mensongère et impudique, au profit de la seule histoire, sérieuse et
vraie. Sous-tendue par un dessein de toute évidence
politique [65],
la galerie est ainsi conçue comme un parcours
à la fois organisé et orienté, dont la
signification se « lit » dans la
succession régulière, uniquement sur les
travées et non plus sur la voûte, de portraits de
rois accompagnés, « dans les quadres qui
aboutissent la Cornice, des batailles, des pompes de sacre, de noces,
de jeus, de joûtes ou autres actes celebres de leur
tans » [66]. L’une des incarnations
picturales les plus renommées de ce modèle, sans
doute directement influencée par la réalisation
de la « Petite Galerie » du
Louvre, demeure la « Galerie des Hommes
Illustres » du palais Cardinal, série de
vingt-cinq portraits en pied d’hommes illustres
français [67], imaginée et
ordonnée à sa propre gloire par le cardinal de Richelieu
lui-même pour sa Grande galerie [68], et
œuvre de Philippe de Champaigne et Simon Vouet entre 1630 et 1637 [69].
Son retentissement fut tel, à l’époque, que
les graveurs et peintres ordinaires du roi Heince et Bignon
décidèrent en 1650 d’extraire les
vingt-cinq portraits de leur « prison
dorée », de rassembler en un somptueux
volume leurs reproductions gravées et d’enrichir
celles-ci d’une biographie des modèles,
écrite par Vulson de La Colombière, pour les
« rend[re] communs à tous les
François (…), et faire retentir encores
à present la Gloire et le Nom François par tous
les coins de la Terre » [70]. Mais, avant
même cette entreprise, dans une habile manœuvre de captatio
benevolentiae, le père Le Moyne pourrait avoir
profité de l’engouement suscité par
cette prestigieuse réalisation dans le milieu des
« honnestes gens » parisiens pour
lui donner un pendant à la fois littéraire et
féminin avec sa Gallerie des femmes fortes
– qui, par l’intermédiaire de ce
chaînon pictural, reprendrait l’essentiel des
principes de Laval et en particulier, nous l’avons dit, son
refus de « ces niaiseries de fables (…)
qui ne peuvent rien represanter de solide ny de
grave » [71].
[48]
Ibid., tome I, « Advertissement
necessaire à l’instruction du
Lecteur », non paginé.
[49]
La Gallerie des femmes fortes, op. cit.,
« Preface », non
paginée. Le Jésuite tient manifestement ici
à ménager la susceptibilité de ses
lectrices ; il s’embarrassait moins de
précautions oratoires quelques années plus
tôt lorsqu’il affirmait avoir introduit
des « Exemples » et des
« Histoires » dans ses Peintures
morales pour « faire voir aux
femmes qu’il y a des Veritez plus agreables et
aussi divertissantes, que les Fantosmes des Romans dont elles sont si
amoureuses » (op. cit., tome
II, « Preface du dessein et du bon usage de ce
livre », non paginée. Nous soulignons).
[50]
Voir à ce sujet l’article de M. Laurain-Portemer,
« Le Palais Mazarin et l’offensive baroque
de 1645-1650, d’après Romanelli, P. de Cortone et
Grimaldi », Gazette des beaux-arts,
6e période, tome LXXXI, mars 1973, pp. 151-168.
[51]
Nous renvoyons sur ce sujet à la riche synthèse
de Gérard Sabatier, « Politique, histoire
et mythologie : la galerie en France et en Italie pendant la
première moitié du XVIIe
siècle », dans La France et
l’Italie au temps de Mazarin, sous la direction de
J. Serroy, Grenoble, Presses Universitaires, 1986, pp. 283-301.
[52]
Antoine Furetière tout comme Thomas Corneille, dans leurs
dictionnaires respectifs à la fin du XVIIe
siècle, confirment que la galerie est
« ordinairement sur les ailes d’une
maison ».
[53]
C’est à Pierre Paul Rubens, peintre de
notoriété internationale en raison de la gloire
acquise au service de commanditaires prestigieux, que la reine
mère décide de confier en 1622 le soin
d’orner les deux galeries de son palais. Dans la galerie
occidentale, il s’engage par contrat à
représenter « les histoires de la vie
tres-illustre et gestes héroïques de lad. dame
Royne » et, dans la galerie orientale, encore
inachevée, « toutes les batailles du
deffunct Roy Henry le grand, les rencontres qu’il a faictes,
ses combatz, prises et sieges de villes avec les triomphes desd.
victoires en façon de triomphes des
Romains ». De ces deux cycles décoratifs,
seul le premier fut en fait réalisé :
l’on peut admirer aujourd’hui les 24 toiles
monumentales qui le composaient au musée du Louvre. Pour la
synthèse la plus récente sur ce point, voir J-Fr.
Dubost, Marie de Médicis – La reine
dévoilée, Paris, Biographie Payot,
2009, chapitre 31 : « Le palais de
Minerve », pp. 651-676.
[54]
L’analogie est mise en avant par Pierre Le Moyne
lui-même dans
l’« Epître
dédicatoire » du premier volume des Peintures
morales, adressée à
« Monseigneur messire Henry de Mesmes, marquis de
Mongneville (sic), conseiller du roy en ses
conseils d’Estat et Privé, et President en la Cour
de Parlement de Paris » :
« Les Passions de l’Homme sont
representées par les diverses Peintures de cette Gallerie,
comme celles de l’Année sont exprimées
par les divers Signes du Zodiac, qui est une Gallerie mobile que la
Nature a preparée au cours du Soleil
[…] » (op. cit., non
paginée).
[55]
H. Sauval, Histoire et Recherches des Antiquités
de la Ville de Paris, Paris, Charles Mœtte et
Jacques Chardon, 1724, tome second, p. 193. Cité par G.
Sabatier, « Politique, histoire et
mythologie : la galerie en France et en Italie pendant la
première moitié du XVIIe
siècle », art. cit., p. 290.
[56]
La galerie haute de l’ancien hôtel Tubeuf, devenu
le palais Mazarin, passera ainsi, à l’issue de sa
décoration par Romanelli en 1646, pour un modèle
accompli de galerie « à
l’italienne », dont le souvenir est
conservé par une célèbre gravure de
Robert Nanteuil : outre son décor peint
à dominante mythologique, le cardinal y réunira
une grande partie de ses collections d’objets d’art
(marbres antiques, bustes et statues, bronzes, vases…).
[57]
Les Peintures morales, op. cit.,
tome II, « Preface du dessein et du bon usage de ce
livre », non paginée.
[58]
De fait, la visite du palais Farnèse, véritable
« musée ouvert »,
était, au XVIIe siècle, une étape
incontournable pour tous ceux, artistes, hommes de lettres, hauts
prélats, savants et voyageurs, qui se rendaient à
Rome. L’on sait par exemple qu’en 1667 Charles Le
Brun eut l’idée d’orner le plafond de la
galerie des ambassadeurs du palais des Tuileries, malheureusement
détruite en 1871, de toiles peintes copiant la galerie
Farnèse, poussé par l’admiration
qu’il avait éprouvée pour
l’œuvre des Carrache au moment de son
séjour romain en 1642-1645. Une fois la décision
entérinée par Colbert, la tâche fut
confiée aux premiers pensionnaires de
l’Académie de France, dirigés par
Charles Errard. Voir N. Sainte Fare Garnot, « La
Galerie des ambassadeurs au palais des Tuileries », Bulletin
de la Société de l’histoire de
l’art français, 1978, pp. 119-126.
Outre les témoignages de ces peintres, c’est
également l’estampe qui a permis de faire
connaître l’œuvre des Carrache, dessins
préparatoires des Carrache eux-mêmes mais aussi
pièces ou suites publiées par d’autres
artistes, aussi bien à Paris qu’à Rome.
Ainsi, lorsque, en 1635, le frère du cardinal de Richelieu,
Alphonse-Louis du Plessis, vint habiter le palais Farnèse en
qualité d’ambassadeur, il confia à
Nicolas Mignard les premières gravures de la galerie
Farnèse, imprimées dès le retour de
l’artiste en France fin 1637-début 1638, et
à Pierre Mignard et Charles-Alphonse Dufresnoy les
premières copies peintes de la galerie. Voir S. Ginzburg,
« Le Camerino et la Galerie des
Carrache », dans Palais
Farnèse. De la Renaissance à
l’ambassade de France, sous la direction de Fr.
Buranelli, Florence-Milan, Giunti, 2010, pp. 101-102, et C. La Malfa,
« Artistes au palais », Ibid.,
pp. 267-268.
De manière plus générale et pour la
période de la pré-Fronde qui nous occupe,
Romanelli développe essentiellement le thème de
l’amour des dieux et des couples mythologiques pour la
décoration de la galerie haute du palais Mazarin.
S’appuyant sur le témoignage
d’Antoine-Nicolas Dezallier d’Argenville (Voyage
pittoresque de Paris, ou Indication de tout ce qu’il y a de
plus beau dans cette ville en peinture, sculpture et architecture,
Paris, De Bure l’aîné, 1749,
p. 117), Gérard Sabatier (art. cit., p. 290) considère que
Jacques Blanchard – qui a séjourné
à Rome entre 1624 et 1626 – s’est lui
aussi inspiré de ce thème pour les tableaux de la
galerie basse de l’hôtel de Bullion (Diane et
Endymion, Vertumne et Pomone, Jupiter poursuivant deux Nymphes, Ixion
et Junon, Mars et Vénus, Silène avec un
Satyre…).
[59]
G. P. Bellori, Le Vite de’ pittori, scultori et
architetti moderni, scritte da Gio. Pietro Bellori, In Roma,
per il success. al Mascardi, 1672. Selon Bellori, il convient
d’associer toutes les séquences narratives de la
voûte aux Amours peints aux quatre coins de la galerie qui
représenteraient symboliquement les rapports, entre guerre
et paix, qu’entretiennent l’Amour
céleste et l’Amour terrestre. Silvia Ginzburg
(« Le Camerino et la Galerie des
Carrache », art. cit., p. 93) nuance cette
interprétation, jugeant que le « Triomphe
de l’union de l’Amour céleste et de
l’Amour terrestre », qui
constitue la scène principale au centre de la
voûte, célèbre plutôt leur
accord harmonieux – on y voit le cortège du double
triomphe de Bacchus, accompagné par la Vénus
céleste, et de Silène, à
côté de la Vénus terrestre.
[60]
L’histoire d’Andromède sauvée
du monstre marin par Persée arrivant sur le dos du cheval
ailé Pégase est racontée au livre IV,
vers 668-735 ; celle d’Alcyoné et
Céyx, au livre XI, vers 410-748 ; celle de Pyrame
et Thisbé, au livre IV, vers 55-166.
[61]
« Persée délivrant
Andromède » figure ainsi sur
la paroi sud de la galerie Farnèse, au-dessus de deux
portes ; symétriquement opposé, sur la
paroi nord, a été
représenté le « Combat
entre Persée et Phinée »,
épisode qui, dans les Métamorphoses,
constitue la suite de « Persée
délivrant Andromède ».
Madeleine Laurain-Portemer fait remarquer que c’est Mazarin
lui-même qui préféra au
thème des « Histoires
romaines », initialement proposé par
Romanelli pour décorer la galerie haute de son palais, celui
des Métamorphoses
d’Ovide, « plus attrayantes et
plus dans le goût du pays » selon lui
(« Le Palais Mazarin et l’offensive
baroque de 1645-1650, d’après Romanelli, P. de Cortone et Grimaldi », art. cit., p. 154). Quant
à la galerie de l’hôtel de La
Vrillière, construit par François Mansart pour le
secrétaire d’Etat Louis Phélypeaux,
c’est en 1646 que François Perrier, de retour de
Rome où il a été
l’élève de Lanfranco, l’un
des collaborateurs des Carrache, entreprend d’en peindre la
voûte à la manière italienne,
choisissant le thème ovidien du « Triomphe
du Soleil » pour la grande fresque
centrale et celui des quatre Eléments pour les deux
extrémités (voir C. Haffner,
« La Vrillière, collectionneur et
mécène », dans Seicento.
Le siècle de Caravage dans les collections
françaises, Paris, Editions de la
Réunion des Musées nationaux, 1988, p. 29). Mais
il importe également de signaler que l’on trouvait
dans la galerie du rez-de-chaussée dix copies
d’après la galerie Farnèse et
qu’une copie d’« Andromède
attachée à son rocher »
figurait à l’une des
extrémités de la galerie haute, soit exactement
à la même place que l’original italien
(voir S. Cotté, « Un exemple du
’goût italien’ : la galerie de
l’hôtel La Vrillière à
Paris », dans Seicento. Le
siècle de Caravage dans les collections françaises,
op. cit., p. 44).
[62]
Dédié à Maximilian (sic)
de Béthune (qui n’est pas encore duc de Sully), le
texte complet de cet opuscule a été
publié par Jacques Thuillier, en annexe de son article
« Peinture et politique : une
théorie de la galerie royale sous Henri
IV », dans Etudes d’art
français offertes à Charles Sterling,
Paris, PUF, 1975, pp. 175-194 pour l’article, pp. 195-205
pour l’annexe. Toutes les références
paginales concernant le texte d’A. de Laval renverront donc
à cette annexe.
[63]
« Peinture et politique : une
théorie de la galerie royale sous Henri
IV », art. cit., p. 178.
[64]
Tout du moins sur les murs puisque la voûte de la Petite
Galerie du Louvre, de la décoration de laquelle Antoine de
Laval ne se préoccupe nullement, est ornée par
Toussaint Dubreuil et Jacob Bunel de scènes
inspirées des Métamorphoses
d’Ovide (dont encore une fois, d’ailleurs, celle
d’Andromède délivrée du
monstre marin par Persée) et de l’Ancien
Testament. Pour les parois, conformément aux prescriptions
de Laval, Jacob Bunel, aidé dans sa tâche par son
épouse Marguerite Bahuche, aurait peint une série
de vingt-huit portraits « au
vrai » et grandeur nature de rois et de reines,
depuis Saint Louis jusqu’à Henri IV,
d’où sa dénomination de
« galerie des Rois et des
Reines » jusqu’à sa destruction
accidentelle en 1661. Voir, outre l’article
précédemment cité de J. Thuillier,
celui de D. Cordellier, « Le Décor
intérieur de la Petite Galerie sous Henri IV :
’la plus magnifique chose que l’on ait faite depuis
que la terre est
créée’ », dans La
Galerie d’Apollon au palais du Louvre, op.
cit., pp. 32-38.
[65]
Selon Jacques Thuillier, le modèle imaginé par
Laval constitue une forme de réponse à la crise
de légitimité consécutive au
changement de dynastie : le roi Henri IV doit
d’abord et avant tout apparaître comme un souverain
incontestable, digne héritier, et par sa lignée et
par sa valeur sur les champs de bataille de ses glorieux
prédécesseurs.
[66]
A. de Laval, Des peintures convenables aus Basiliques et
Palais du Roy […], op. cit.,
p. 201.
[67]
A l’exception des deux couples royaux formés
d’une part par Henri IV et Marie de Médicis et,
d’autre part, par Louis XIII et Anne d’Autriche,
auxquels a été adjoint
l’héritier d’alors de la couronne,
Gaston d’Orléans, il s’agit
essentiellement de zélés serviteurs de
l’Etat, guerriers (Bertrand du Guesclin, Louis de La
Trémoïlle, Blaise de Montluc…) ou
ministres hommes d’Eglise (l’abbé Suger,
le cardinal d’Amboise ou encore Richelieu
lui-même…).
[68]
C’est en tout cas ce que soutiennent Heince et Bignon dans
l’« Avertissement au
Lecteur » des Portraits des hommes
illustres françois qui sont peints dans la Gallerie du
Palais Cardinal de Richelieu, avec leurs principales Actions, Armes,
Devises et Eloges latins, que complètent les Abregez
historiques de leurs Vies composés par M. de Vulson, sieur
de la Colombière (Paris, chez Henri Sara, et au
Palais, chez Jean Paslé et Charles de Sercy). Sur cet
ouvrage, voir D. Moncond’huy, « La Galerie
et sa ’description’ en France : le
modèle Richelieu », La Licorne,
n° 47, 1998, pp. 21-35.
[69]
La proportion s’établit à raison de 17
pour le premier et 8 pour le second. Dans son Histoire et
Recherches des Antiquités de la ville de Paris (op.
cit., tome second, pp. 166-168), Henri Sauval fournit une
nouvelle fois de précieux renseignements sur cet ensemble
décoratif aujourd’hui disparu, à
l’exception de sept tableaux disséminés
dans les musées ou châteaux français.
Pour une étude plus précise, voir V. Champier et
R.-G. Sandoz, Le Palais Royal d’après
des documents inédits, reprint Paris, Henri
Veyrier, 1991, pp. 40-44 ; B. Dorival,
« Art et politique en France au XVIIe
siècle : la galerie des hommes illustres au Palais
Cardinal », Bulletin de la
Société d’histoire de l’art
français, 1973, pp. 43-60 ; S.
Laveissière, « Le Conseil et le
courage : la galerie des hommes illustres au Palais-Cardinal,
un autoportrait de Richelieu », dans Richelieu :
l’art et le pouvoir, sous la direction de H. T. Goldfarb, Musée des beaux-arts de Montréal,
Wallraf-Richartz-Museum – Fondation Corboud, en
coédition avec Snoeck-Ducaju et Zoon, 2002, pp. 68-103 (avec
la reproduction de cinq des sept tableaux restants ainsi que de six
tableautins de Juste d’Egmont entourant les grands portraits
de Philippe de Champaigne et Simon Vouet).
[70]
Portraits des hommes illustres françois
[…], op. cit.,
« Avertissement au Lecteur », non
paginé.
[71]
A. de Laval, Des peintures convenables aus Basiliques et
Palais du Roy […], op. cit.,
p. 198. Rajoutons également, à l’appui
de notre hypothèse, que cette « obsession
de la régularité » que
relève A. Mantero dans La Gallerie des femmes
fortes (« Les Arts réunis dans
Les Peintures morales et La Gallerie
des femmes fortes du père Le
Moyne », art. cit., p. 246) répond
également à une directive de Laval :
« Je trouveroy bien toutesfois à propos un
même ordre regnant partout, afin que la
structure étant une, il n’y
eût rien divers que les figures, amblêmes, vers,
devises, inscriptions et eloges qui diversifiront assés la
besongne » (Des peintures convenables aus
Basiliques et Palais du Roy […], op.
cit., p. 201. Nous soulignons).