Galeries picturales, galeries littéraires :
imitation et transposition de modèles dans
Les Peintures morales (1640-1643) et
La Gallerie des femmes fortes (1647)
du père Pierre Le Moyne

Catherine Pascal
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« Recentrage », car si les gravures et les « peintures » mêlent, dans Les Peintures morales, thèmes mythologiques, allégoriques et historiques qui, notons-le, relèvent tous du « grand genre », le plus prisé de la clientèle, le plus auréolé de prestige selon la hiérarchie des genres picturaux au XVIIe siècle, se confirme toutefois dans La Gallerie des femmes fortes une propension déjà notable dans le deuxième tome des Peintures morales, en l’occurrence la primauté accordée aux « nobles exemples tirez de l’histoire ancienne et moderne » [48]. Si ce choix, qui exclut principalement les sujets fabuleux de la mythologie, correspond à la volonté manifeste du Jésuite d’« apprendre à ceux qui courent après les Phantosmes des Romans, que la verité n’est pas seulement plus instructive, mais qu’elle est encore plus belle et plus divertissante que le mensonge » [49], peut-être d’autres considérations, artistiques celles-là, et qui concernent aussi la dispositio, c’est-à-dire l’ordonnancement de la galerie, sont-elles également entrées en jeu.

 

De la dispositio ou de l’ordonnancement des peintures

 

L’histoire de la galerie picturale dans la première moitié du XVIIe siècle voit en effet s’affronter deux conceptions de l’espace et du décor : l’une, dite « à l’italienne », qui, héritée de la Renaissance, faisant la part belle à l’allégorie et à la mythologie, et accordant autant d’importance au décor de la voûte qu’à celui des murs, est, par exemple, celle de la galerie d’Ulysse à Fontainebleau ; l’autre, dite « à la française », qui, élaborée à la fin du règne de Henri IV, privilégiant l’histoire et mettant l’accent sur les parois latérales, prédomine sous Louis XIII, avant que « l’offensive baroque » impulsée par Mazarin en 1646-1647, avec la décoration par Romanelli de la galerie haute de son hôtel [50], ne signe le retour triomphal du modèle rival, amorcé dès la décennie 1630 [51].
        Ne faut-il alors voir qu’une simple coïncidence dans le fait que le Temple de l’Isle de Pureté possède deux galeries, comme le château de Fontainebleau, le palais du Louvre, le château de Saint-Germain-en-Laye ou encore le palais Cardinal de Richelieu dont l’aménagement va inspirer, à partir de 1635, celui des demeures de Claude de Bullion, surintendant des finances, ou de Pierre Séguier, chancelier, justement représentatives de cette architecture nouvelle, celle de l’hôtel parisien à deux galeries donnant sur un jardin ? Et si ces galeries sont disposées en équerre (comme les « Petite » et « Grande » galeries du Louvre), en enfilade (comme au palais Cardinal) ou ont de plus en plus tendance à se superposer (comme à l’hôtel de Bullion, à l’hôtel Séguier ou au palais Mazarin), il n’en reste pas moins que la disposition adoptée par le père Le Moyne (« deux galeries de peintures, qui tiennent toute la longueur de l’édifice, et lui font de part et d’autre deux ailes égales » [52]) n’est pas sans faire penser aux deux galeries parallèles et symétriques, disposées au premier étage des deux ailes latérales, perpendiculaires au bâtiment central et encadrant la cour d’honneur du palais du Luxembourg, construit à partir de 1615 par Salomon de Brosse pour la reine mère Marie de Médicis [53]. Quant aux « peintures » (six pour « l’Amour d’amitié » et six pour « l’Amour conjugal ») qui les ornent, leur nombre total revêt lui aussi une valeur symbolique : douze, comme les douze signes du zodiaque [54] ou les douze mois de l’année, « figurés par des énigmes et des métamorphoses » sur les murs de la galerie basse de l’hôtel de Bullion en 1634 par le peintre Jacques Blanchard, selon Henri Sauval [55] ; douze, comme les douze compositions qui se lisent deux par deux, face à face dans ce jeu de travées rythmées par les douze grandes ouvertures de la galerie François 1er à Fontainebleau…
        Coïncidence encore que l’influence italienne, qui se fait sentir dans les galeries françaises depuis le retour de Simon Vouet de Rome en 1627, par la fusion de tous les arts et l’association dans le décor peint de l’histoire et de la fable par des artistes formés à l’école romaine [56], soit peut-être habilement suggérée dès le frontispice des Peintures morales par l’union de la peinture et de la sculpture et la juxtaposition sur les trumeaux des représentations d’« Annibal après la bataille de Cannes » et d’« Andromède attachée à son rocher » ? Et ne pourrait-on d’ailleurs interpréter cette étrange « sixième » peinture « composée de diverses histoires, qui font un corps de tableau, par la liaison que le peintre leur a donnée » comme une transposition de la grande fresque de la voûte, la plus riche parce qu’assemblant plusieurs motifs, caractéristique une fois encore de la conception « à l’italienne » ?
        Coïncidence toujours que le deuxième volume des Peintures morales exalte la « souveraineté de l’Amour sur les autres passions » et passe en revue les « Caractères des divers Amours », du « Brutal » jusqu’au « Divin », « qui est la derniere forme et la perfection de l’Amour Humain » [57], alors même que le décor de la galerie Farnèse célèbre justement l’Amour conquérant sur le mode mythologique, et qu’il s’impose, depuis son achèvement en 1600 par Annibal Carrache, comme l’œuvre la plus importante de toute l’Italie au point de constituer une source de fascination durable et d’inspiration inégalée pour tous les artistes français de passage à Rome [58] ? Un cycle que Giovanni Pietro Bellori, en 1672, interprètera de façon moralisante comme illustrant le thème néoplatonicien du triomphe de l’Amour sacré au terme de sa lutte avec l’Amour profane [59]…
        Coïncidence enfin que l’histoire d’Andromède attachée à son rocher, ou encore celles d’Alcyoné et Céyx et de Pyrame et Thisbé, qui figurent au nombre des « Fidèles Morts », soient empruntées aux Métamorphoses d’Ovide [60], œuvre certes commune au fonds culturel collectif des « honnestes gens », mais qui n’en était pas moins une mine de références incontournables pour les programmes iconographiques des galeries, dont celles du palais Farnèse et, plus tard, en France, du palais Mazarin et de l’hôtel de La Vrillière [61] ?
        S’il est difficile de fonder le rapport des Peintures morales au modèle « italien » de la galerie autrement que sur un faisceau de présomptions, en revanche, le lien entre La Gallerie des femmes fortes et le modèle « à la française » nous paraît moins malaisé à établir. La rédaction en 1600 par Antoine de Laval, sollicité par Sully, des Peintures convenables aus Basiliques et Palais du Roy, memes à sa Gallerie du Louvre à Paris [62], est étroitement liée au projet de réaménager la « Petite » et la « Grande Galerie » du Louvre. Le modèle de galerie prôné par ce géographe s’écarte résolument du modèle italien et repose, selon Jacques Thuillier, sur un principe simple, celui de « convenance », qui « exige que la demeure du roi, la ’basilique’, reçoive une décoration en rapport avec la dignité du lieu, et qui serve à l’édification des sujets et de la postérité » [63]. En conséquence, toute idée de « divertissement » pour l’œil et pour l’esprit étant exclue, il faut en bannir la mythologie [64], mensongère et impudique, au profit de la seule histoire, sérieuse et vraie. Sous-tendue par un dessein de toute évidence politique [65], la galerie est ainsi conçue comme un parcours à la fois organisé et orienté, dont la signification se « lit » dans la succession régulière, uniquement sur les travées et non plus sur la voûte, de portraits de rois accompagnés, « dans les quadres qui aboutissent la Cornice, des batailles, des pompes de sacre, de noces, de jeus, de joûtes ou autres actes celebres de leur tans » [66]. L’une des incarnations picturales les plus renommées de ce modèle, sans doute directement influencée par la réalisation de la « Petite Galerie » du Louvre, demeure la « Galerie des Hommes Illustres » du palais Cardinal, série de vingt-cinq portraits en pied d’hommes illustres français [67], imaginée et ordonnée à sa propre gloire par le cardinal de Richelieu lui-même pour sa Grande galerie [68], et œuvre de Philippe de Champaigne et Simon Vouet entre 1630 et 1637 [69]. Son retentissement fut tel, à l’époque, que les graveurs et peintres ordinaires du roi Heince et Bignon décidèrent en 1650 d’extraire les vingt-cinq portraits de leur « prison dorée », de rassembler en un somptueux volume leurs reproductions gravées et d’enrichir celles-ci d’une biographie des modèles, écrite par Vulson de La Colombière, pour les « rend[re] communs à tous les François (…), et faire retentir encores à present la Gloire et le Nom François par tous les coins de la Terre » [70]. Mais, avant même cette entreprise, dans une habile manœuvre de captatio benevolentiae, le père Le Moyne pourrait avoir profité de l’engouement suscité par cette prestigieuse réalisation dans le milieu des « honnestes gens » parisiens pour lui donner un pendant à la fois littéraire et féminin avec sa Gallerie des femmes fortes – qui, par l’intermédiaire de ce chaînon pictural, reprendrait l’essentiel des principes de Laval et en particulier, nous l’avons dit, son refus de « ces niaiseries de fables (…) qui ne peuvent rien represanter de solide ny de grave » [71].

 

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[48] Ibid., tome I, « Advertissement necessaire à l’instruction du Lecteur », non paginé.
[49] La Gallerie des femmes fortes, op. cit., « Preface », non paginée. Le Jésuite tient manifestement ici à ménager la susceptibilité de ses lectrices ; il s’embarrassait moins de précautions oratoires quelques années plus tôt lorsqu’il affirmait avoir introduit des « Exemples » et des « Histoires » dans ses Peintures morales pour « faire voir aux femmes qu’il y a des Veritez plus agreables et aussi divertissantes, que les Fantosmes des Romans dont elles sont si amoureuses » (op. cit., tome II, « Preface du dessein et du bon usage de ce livre », non paginée. Nous soulignons).
[50] Voir à ce sujet l’article de M. Laurain-Portemer, « Le Palais Mazarin et l’offensive baroque de 1645-1650, d’après Romanelli, P. de Cortone et Grimaldi », Gazette des beaux-arts, 6e période, tome LXXXI, mars 1973, pp. 151-168.
[51] Nous renvoyons sur ce sujet à la riche synthèse de Gérard Sabatier, « Politique, histoire et mythologie : la galerie en France et en Italie pendant la première moitié du XVIIe siècle », dans La France et l’Italie au temps de Mazarin, sous la direction de J. Serroy, Grenoble, Presses Universitaires, 1986, pp. 283-301.
[52] Antoine Furetière tout comme Thomas Corneille, dans leurs dictionnaires respectifs à la fin du XVIIe siècle, confirment que la galerie est « ordinairement sur les ailes d’une maison ».
[53] C’est à Pierre Paul Rubens, peintre de notoriété internationale en raison de la gloire acquise au service de commanditaires prestigieux, que la reine mère décide de confier en 1622 le soin d’orner les deux galeries de son palais. Dans la galerie occidentale, il s’engage par contrat à représenter « les histoires de la vie tres-illustre et gestes héroïques de lad. dame Royne » et, dans la galerie orientale, encore inachevée, « toutes les batailles du deffunct Roy Henry le grand, les rencontres qu’il a faictes, ses combatz, prises et sieges de villes avec les triomphes desd. victoires en façon de triomphes des Romains ». De ces deux cycles décoratifs, seul le premier fut en fait réalisé : l’on peut admirer aujourd’hui les 24 toiles monumentales qui le composaient au musée du Louvre. Pour la synthèse la plus récente sur ce point, voir J-Fr. Dubost, Marie de Médicis – La reine dévoilée, Paris, Biographie Payot, 2009, chapitre 31 : « Le palais de Minerve », pp. 651-676.
[54] L’analogie est mise en avant par Pierre Le Moyne lui-même dans l’« Epître dédicatoire » du premier volume des Peintures morales, adressée à « Monseigneur messire Henry de Mesmes, marquis de Mongneville (sic), conseiller du roy en ses conseils d’Estat et Privé, et President en la Cour de Parlement de Paris » : « Les Passions de l’Homme sont representées par les diverses Peintures de cette Gallerie, comme celles de l’Année sont exprimées par les divers Signes du Zodiac, qui est une Gallerie mobile que la Nature a preparée au cours du Soleil […] » (op. cit., non paginée).
[55] H. Sauval, Histoire et Recherches des Antiquités de la Ville de Paris, Paris, Charles Mœtte et Jacques Chardon, 1724, tome second, p. 193. Cité par G. Sabatier, « Politique, histoire et mythologie : la galerie en France et en Italie pendant la première moitié du XVIIe siècle », art. cit., p. 290.
[56] La galerie haute de l’ancien hôtel Tubeuf, devenu le palais Mazarin, passera ainsi, à l’issue de sa décoration par Romanelli en 1646, pour un modèle accompli de galerie « à l’italienne », dont le souvenir est conservé par une célèbre gravure de Robert Nanteuil : outre son décor peint à dominante mythologique, le cardinal y réunira une grande partie de ses collections d’objets d’art (marbres antiques, bustes et statues, bronzes, vases…).
[57] Les Peintures morales, op. cit., tome II, « Preface du dessein et du bon usage de ce livre », non paginée.
[58] De fait, la visite du palais Farnèse, véritable « musée ouvert », était, au XVIIe siècle, une étape incontournable pour tous ceux, artistes, hommes de lettres, hauts prélats, savants et voyageurs, qui se rendaient à Rome. L’on sait par exemple qu’en 1667 Charles Le Brun eut l’idée d’orner le plafond de la galerie des ambassadeurs du palais des Tuileries, malheureusement détruite en 1871, de toiles peintes copiant la galerie Farnèse, poussé par l’admiration qu’il avait éprouvée pour l’œuvre des Carrache au moment de son séjour romain en 1642-1645. Une fois la décision entérinée par Colbert, la tâche fut confiée aux premiers pensionnaires de l’Académie de France, dirigés par Charles Errard. Voir N. Sainte Fare Garnot, « La Galerie des ambassadeurs au palais des Tuileries », Bulletin de la Société de l’histoire de l’art français, 1978, pp. 119-126. Outre les témoignages de ces peintres, c’est également l’estampe qui a permis de faire connaître l’œuvre des Carrache, dessins préparatoires des Carrache eux-mêmes mais aussi pièces ou suites publiées par d’autres artistes, aussi bien à Paris qu’à Rome. Ainsi, lorsque, en 1635, le frère du cardinal de Richelieu, Alphonse-Louis du Plessis, vint habiter le palais Farnèse en qualité d’ambassadeur, il confia à Nicolas Mignard les premières gravures de la galerie Farnèse, imprimées dès le retour de l’artiste en France fin 1637-début 1638, et à Pierre Mignard et Charles-Alphonse Dufresnoy les premières copies peintes de la galerie. Voir S. Ginzburg, « Le Camerino et la Galerie des Carrache », dans Palais Farnèse. De la Renaissance à l’ambassade de France, sous la direction de Fr. Buranelli, Florence-Milan, Giunti, 2010, pp. 101-102, et C. La Malfa, « Artistes au palais », Ibid., pp. 267-268.
De manière plus générale et pour la période de la pré-Fronde qui nous occupe, Romanelli développe essentiellement le thème de l’amour des dieux et des couples mythologiques pour la décoration de la galerie haute du palais Mazarin. S’appuyant sur le témoignage d’Antoine-Nicolas Dezallier d’Argenville (Voyage pittoresque de Paris, ou Indication de tout ce qu’il y a de plus beau dans cette ville en peinture, sculpture et architecture, Paris, De Bure l’aîné, 1749, p. 117), Gérard Sabatier (art. cit., p. 290) considère que Jacques Blanchard – qui a séjourné à Rome entre 1624 et 1626 – s’est lui aussi inspiré de ce thème pour les tableaux de la galerie basse de l’hôtel de Bullion (Diane et Endymion, Vertumne et Pomone, Jupiter poursuivant deux Nymphes, Ixion et Junon, Mars et Vénus, Silène avec un Satyre…).
[59] G. P. Bellori, Le Vite de’ pittori, scultori et architetti moderni, scritte da Gio. Pietro Bellori, In Roma, per il success. al Mascardi, 1672. Selon Bellori, il convient d’associer toutes les séquences narratives de la voûte aux Amours peints aux quatre coins de la galerie qui représenteraient symboliquement les rapports, entre guerre et paix, qu’entretiennent l’Amour céleste et l’Amour terrestre. Silvia Ginzburg (« Le Camerino et la Galerie des Carrache », art. cit., p. 93) nuance cette interprétation, jugeant que le « Triomphe de l’union de l’Amour céleste et de l’Amour terrestre », qui constitue la scène principale au centre de la voûte, célèbre plutôt leur accord harmonieux – on y voit le cortège du double triomphe de Bacchus, accompagné par la Vénus céleste, et de Silène, à côté de la Vénus terrestre.
[60] L’histoire d’Andromède sauvée du monstre marin par Persée arrivant sur le dos du cheval ailé Pégase est racontée au livre IV, vers 668-735 ; celle d’Alcyoné et Céyx, au livre XI, vers 410-748 ; celle de Pyrame et Thisbé, au livre IV, vers 55-166.
[61] « Persée délivrant Andromède » figure ainsi sur la paroi sud de la galerie Farnèse, au-dessus de deux portes ; symétriquement opposé, sur la paroi nord, a été représenté le « Combat entre Persée et Phinée », épisode qui, dans les Métamorphoses, constitue la suite de « Persée délivrant Andromède ». Madeleine Laurain-Portemer fait remarquer que c’est Mazarin lui-même qui préféra au thème des « Histoires romaines », initialement proposé par Romanelli pour décorer la galerie haute de son palais, celui des Métamorphoses d’Ovide, « plus attrayantes et plus dans le goût du pays » selon lui (« Le Palais Mazarin et l’offensive baroque de 1645-1650, d’après Romanelli, P. de Cortone et Grimaldi », art. cit., p. 154). Quant à la galerie de l’hôtel de La Vrillière, construit par François Mansart pour le secrétaire d’Etat Louis Phélypeaux, c’est en 1646 que François Perrier, de retour de Rome où il a été l’élève de Lanfranco, l’un des collaborateurs des Carrache, entreprend d’en peindre la voûte à la manière italienne, choisissant le thème ovidien du « Triomphe du Soleil » pour la grande fresque centrale et celui des quatre Eléments pour les deux extrémités (voir C. Haffner, « La Vrillière, collectionneur et mécène », dans Seicento. Le siècle de Caravage dans les collections françaises, Paris, Editions de la Réunion des Musées nationaux, 1988, p. 29). Mais il importe également de signaler que l’on trouvait dans la galerie du rez-de-chaussée dix copies d’après la galerie Farnèse et qu’une copie d’« Andromède attachée à son rocher » figurait à l’une des extrémités de la galerie haute, soit exactement à la même place que l’original italien (voir S. Cotté, « Un exemple du ’goût italien’ : la galerie de l’hôtel La Vrillière à Paris », dans Seicento. Le siècle de Caravage dans les collections françaises, op. cit., p. 44).
[62] Dédié à Maximilian (sic) de Béthune (qui n’est pas encore duc de Sully), le texte complet de cet opuscule a été publié par Jacques Thuillier, en annexe de son article « Peinture et politique : une théorie de la galerie royale sous Henri IV », dans Etudes d’art français offertes à Charles Sterling, Paris, PUF, 1975, pp. 175-194 pour l’article, pp. 195-205 pour l’annexe. Toutes les références paginales concernant le texte d’A. de Laval renverront donc à cette annexe.
[63] « Peinture et politique : une théorie de la galerie royale sous Henri IV », art. cit., p. 178.
[64] Tout du moins sur les murs puisque la voûte de la Petite Galerie du Louvre, de la décoration de laquelle Antoine de Laval ne se préoccupe nullement, est ornée par Toussaint Dubreuil et Jacob Bunel de scènes inspirées des Métamorphoses d’Ovide (dont encore une fois, d’ailleurs, celle d’Andromède délivrée du monstre marin par Persée) et de l’Ancien Testament. Pour les parois, conformément aux prescriptions de Laval, Jacob Bunel, aidé dans sa tâche par son épouse Marguerite Bahuche, aurait peint une série de vingt-huit portraits « au vrai » et grandeur nature de rois et de reines, depuis Saint Louis jusqu’à Henri IV, d’où sa dénomination de « galerie des Rois et des Reines » jusqu’à sa destruction accidentelle en 1661. Voir, outre l’article précédemment cité de J. Thuillier, celui de D. Cordellier, « Le Décor intérieur de la Petite Galerie sous Henri IV : ’la plus magnifique chose que l’on ait faite depuis que la terre est créée’ », dans La Galerie d’Apollon au palais du Louvre, op. cit., pp. 32-38.
[65] Selon Jacques Thuillier, le modèle imaginé par Laval constitue une forme de réponse à la crise de légitimité consécutive au changement de dynastie : le roi Henri IV doit d’abord et avant tout apparaître comme un souverain incontestable, digne héritier, et par sa lignée et par sa valeur sur les champs de bataille de ses glorieux prédécesseurs.
[66] A. de Laval, Des peintures convenables aus Basiliques et Palais du Roy […], op. cit., p. 201.
[67] A l’exception des deux couples royaux formés d’une part par Henri IV et Marie de Médicis et, d’autre part, par Louis XIII et Anne d’Autriche, auxquels a été adjoint l’héritier d’alors de la couronne, Gaston d’Orléans, il s’agit essentiellement de zélés serviteurs de l’Etat, guerriers (Bertrand du Guesclin, Louis de La Trémoïlle, Blaise de Montluc…) ou ministres hommes d’Eglise (l’abbé Suger, le cardinal d’Amboise ou encore Richelieu lui-même…).
[68] C’est en tout cas ce que soutiennent Heince et Bignon dans l’« Avertissement au Lecteur » des Portraits des hommes illustres françois qui sont peints dans la Gallerie du Palais Cardinal de Richelieu, avec leurs principales Actions, Armes, Devises et Eloges latins, que complètent les Abregez historiques de leurs Vies composés par M. de Vulson, sieur de la Colombière (Paris, chez Henri Sara, et au Palais, chez Jean Paslé et Charles de Sercy). Sur cet ouvrage, voir D. Moncond’huy, « La Galerie et sa ’description’ en France : le modèle Richelieu », La Licorne, n° 47, 1998, pp. 21-35.
[69] La proportion s’établit à raison de 17 pour le premier et 8 pour le second. Dans son Histoire et Recherches des Antiquités de la ville de Paris (op. cit., tome second, pp. 166-168), Henri Sauval fournit une nouvelle fois de précieux renseignements sur cet ensemble décoratif aujourd’hui disparu, à l’exception de sept tableaux disséminés dans les musées ou châteaux français. Pour une étude plus précise, voir V. Champier et R.-G. Sandoz, Le Palais Royal d’après des documents inédits, reprint Paris, Henri Veyrier, 1991, pp. 40-44 ; B. Dorival, « Art et politique en France au XVIIe siècle : la galerie des hommes illustres au Palais Cardinal », Bulletin de la Société d’histoire de l’art français, 1973, pp. 43-60 ; S. Laveissière, « Le Conseil et le courage : la galerie des hommes illustres au Palais-Cardinal, un autoportrait de Richelieu », dans Richelieu : l’art et le pouvoir, sous la direction de H. T. Goldfarb, Musée des beaux-arts de Montréal, Wallraf-Richartz-Museum – Fondation Corboud, en coédition avec Snoeck-Ducaju et Zoon, 2002, pp. 68-103 (avec la reproduction de cinq des sept tableaux restants ainsi que de six tableautins de Juste d’Egmont entourant les grands portraits de Philippe de Champaigne et Simon Vouet).
[70] Portraits des hommes illustres françois […], op. cit., « Avertissement au Lecteur », non paginé.
[71] A. de Laval, Des peintures convenables aus Basiliques et Palais du Roy […], op. cit., p. 198. Rajoutons également, à l’appui de notre hypothèse, que cette « obsession de la régularité » que relève A. Mantero dans La Gallerie des femmes fortes (« Les Arts réunis dans Les Peintures morales et La Gallerie des femmes fortes du père Le Moyne », art. cit., p. 246) répond également à une directive de Laval : « Je trouveroy bien toutesfois à propos un même ordre regnant partout, afin que la structure étant une, il n’y eût rien divers que les figures, amblêmes, vers, devises, inscriptions et eloges qui diversifiront assés la besongne » (Des peintures convenables aus Basiliques et Palais du Roy […], op. cit., p. 201. Nous soulignons).