Oulchy
- Corinne Bayle
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Pour Gérard Titus-Carmel

Au jardin du peintre le gravier crisse
Les mots débordent nos lèvres
Ensemble séparés
Les rires illuminent l’instant
La lumière de l’hiver dessine des roses fantômes sur le mur
La chapelle n’a plus de croix
Son autel est orné d’un visage de poète
Ange ou jeune frère

La parole
nous dit que nous sommes mortels
Les animaux l’ignorent
Nous ne pouvons nous dessaisir
de cette intimité avec l’ombre
Le langage nous tend un piège
que la poésie libère
sans jamais être autre que l’échec du poème
reprisé raturé
Intact

La vérité se cherche par l’impensé
Le peintre rêve avec ses mains
Sur la page l’écriture travaille seule
zigzague
s’épuise
ouvre un chemin enfin
La peinture découvre d’un trait
Un geste un bond
Par chance quelqu’un d’inconnu émerge
ignoré de nous
Quelqu’un ou quelque chose
Entre les lignes
les taches
les signes

A quoi sert le poème le tableau
s’il n’affronte cet entre-deux de l’attente
partagé entre la dure langue figée et l’espoir de la nuit traversée
là où soudain l’exactitude
Au noir de l’être
ce qui fut perdu
jamais en allé
ce noyau dur de l’espérance

Les couleurs strient la toile
déchirent le blanc
zèbrent le vide de grandes coulées
Incertaines traces
exactes dans leur étrangeté
Des Christs aux côtes fracassées
Des fleuves immobiles
Des feuillées endormies
Des oiseaux muets
Au bois le silence

Et puis la neige
Des coups de griffe
de sabre
Silex tranchant l’improbable
La chair du réel
L’atelier devient cathédrale

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