Hommage à Nathalie Sarraute et Marguerite Duras, 2018 Main musicale, 2016
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Depuis dix ans, je croise les mots et les images. Comme les tiroirs des écrivains – ou les fichiers de leurs ordinateurs – sont encombrés de pages inédites, les photographes conservent des images qui n’ont pas encore – ou peut-être cela n’arrivera-t-il jamais – été « révélées ». Ainsi aux côtés de projets d’écriture, attendent des séries photographiques comme « L’empreinte des rêves », « Je me souviens de l’imperméable rouge... », « Les carnets d’adresses de M.O. », etc.

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En 2015, celle que Georges Perec désignait comme sa sœur d’adoption, Ela Bienenfeld (1927 - 2016), sa cousine germaine, son ayant droit jusqu’il y a peu, m’avait incitée à faire une photographie pour la nouvelle édition de Penser/Classer au Seuil, dans la série Points. Je lui ai montré plusieurs images. Elle a choisi, comme couverture pour ce volume, l’une des photographies de la série « Tentative d’épuisement de la douleur ».

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Pour la couverture de la traduction en espagnol du livre de Michel Leiris, Nuits sans nuit et quelques jours sans jour, un éditeur mexicain, Ernesto Fuentes, qui dirige Sexto Piso, m’avait, en novembre 2016, commandé une image : « Masque. Hommage à Michel Leiris ».
  Une après-midi d’automne, je jouais avec un masque à plumes noires, un vieux dé en ivoire et, munie de ciseaux, je découpais le contour de mes mains sur des photocopies de deux lettres d’amour échangées par mes parents, cherchant à composer une sorte de rébus autour des mystères de l’amour et de l’écriture. Puis, par quelques associations d’idées, comme en rêve, ou sur le divan de l’analyste, je cherchai soudain dans mes archives mes premiers cahiers d’écriture, que j’avais conservés depuis les années 60. J’y découvris, consternée, les premières phrases, que l’école imposait aux fillettes de l’époque pour apprendre à lire et à écrire, blessures d’un accès à la langue française et à la culture qui s’inscrivaient d’emblée, comme une évidence, avec la violence de la discrimination. Je posai des objets – rasoir et tube de rouge à lèvres – autour des mots du cahier et les pris en photos.

        Papa se rase le matin,
        travaille dans son bureau,
        conduit sa voiture,
        fume en lisant son journal,
        écoute la radio.

        Maman prépare le dîner,
        lave la vaisselle,
        repasse le linge,
        nettoie la maison
        coud et tricote.

Le plus blessant, peut-être, était, dans la marge, en majuscule et en rouge, soulignée, la mention TB, très bien. Glaçant.

C’est ainsi que naissait dans la foulée, la série « Féminicide », dont trois photographies ont été accrochées à Paris Photo 2017 par la galerie Françoise Paviot (Vermeer, Michel-Ange, Ingres).

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Lorsque Andrea Oberhuber m’a proposé de participer à la revue Textimage sur « Blessures du livre : écrivains et plasticiens à contremploi », j’ai accepté sans trop savoir où ce projet me conduirait. J’ai rassemblé ici douze images,  sous le titre de « Photo-écriture », qui tressent entre écriture, photographie et autobiographie, une histoire qui m’échappe, comme si elles étaient nées dans le sommeil de la nuit.

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