Les Dessins marginaux du manuscrit
Douce 360 (Le Roman de Renart)
de la Bibliothèque Bodléienne

- Kenneth Varty
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Fig. 6. Le Troisième ambassadeur


Fig. 7. Renart se confesse à Grimbert


Fig. 8. Renart et Grimbert se rendent à la Cour


Fig. 9. La Comparution du goupil


Fig. 10. Noble demande conseil aux autres animaux

       Le dessin présent au pied de la colonne 2 du folio 7 (fig. 6) montre la tête d’un animal qui semble sortir d’un trou creusé dans la terre. Quand on le compare avec le dessin du folio 6 (fig. 4), on voit que les mêmes créneaux sont représentés. Il semble que ce soit toujours la tanière-forteresse de Renart, Maupertuis. J’ai longtemps pensé que l’animal était Renart lui-même qui, protégé par son château, méditait sur la réussite de ses ruses et le malheur des deux premiers messagers royaux. Mais je crois maintenant qu’il s’agit peut-être de la tête de Grimbert le blaireau. Le dernier des trois messagers de la branche Ia se présente et entre à reculons par le pont tourneïs de Maupertuis. Le texte raconte qu’il y entre bien ainsi :

 

Ez vous Grimbert en la ferté
Au pont tourneïs avaler
Au petit pas et (a)al aler
Ainz qu’il entrast en la tesniere
Le cul avant, la teste arriere
(fol. 7r°, col. 1, v. 36-40).

 

« Voilà Grimbert dans la forteresse. A sa façon de descendre le pont tournant à petits pas, à sa façon d’entrer dans la tanière le cul d’abord, la tête ensuite [...] » [7].

 

       Le détail de cette entrée correspond à une réalité éthologique. Car le blaireau, très craintif, pénètre toujours dans son terrier le derrière en premier pour pouvoir regarder prudemment alentour avant de ressortir. La marge représente donc le troisième et dernier ambassadeur du « Jugement de Renart ».

       Au pied de la colonne 2 du folio 7, le dessin (fig. 7) représente un quadrupède, assis sur un tabouret. Il s’agit sans doute de Grimbert. Le blaireau tend sa patte vers un autre quadrupède (un renard?) assis par terre qui le regarde. On devine qu’il s’agit du moment où le blaireau écoute la confession de Renart avant que les compères ne se rendent à la Cour.

 

Confessez-vous a moi briement (fol. 7 v°, col. 1, v. 16).

 

Malgré l’adverbe briement, la confession de Renart dure longtemps, et occupe le reste de ce folio, et bon nombre de vers du folio suivant.

       La série des dessins marginaux continue au folio 8, au bas de la colonne 2 (fig. 8) : Renart suit son cousin Grimbert. Tous deux sont en route pour la Cour royale : Or s’en vont li baron a court [8], où Renart doit répondre des accusations portées contre lui. Au folio 9, au pied de la colonne 2, le neuvième dessin illustre le moment où les deux compagnons arrivent (fig. 9). Noble, à droite, est assis sur son trône ; en face de lui, Renart se tient debout. Grimbert se trouve à côté du goupil, légèrement en arrière. Au premier plan, devant les deux compères, on distingue deux autres animaux, peut-être Brun (à quatre pattes) et Tibert, les deux principales victimes des ruses de Renart. L’arrivée à la Cour de Renart et de Grimbert est racontée dans le folio précèdent (8v°) : soutenu par Grimbert, Renart se défend contre Brun et Tibert qui l’accusent tour à tour [9].

       Au bas du folio 9v°, à gauche, un lion avec une queue fourchue et une grande crinière bouclée se tient à quatre pattes (fig. 10). De face, il regarde dans notre direction, au lieu d’être tourné vers le groupe d’animaux situé en face de lui. Ceux-ci au contraire le regardent avec intensité. Le manque de finesse de l’artiste rend difficile l’identification de la plupart de ces animaux, mais, à l’arrière du groupe, on peut distinguer un singe, un oiseau et un lièvre (dont la queue est trop longue). Il semble qu’il y ait, immédiatement devant l’oiseau, un ours, et, devant lui encore, un chat. Les trois autres, tous des quadrupèdes, pourraient être le renard, le blaireau et le loup.

       Ce dessin illustre sans doute la partie du texte située immédiatement au-dessus. Cette scène montrerait Noble s’adressant à l’assemblée des animaux pour définir la punition qu’il devrait imposer à Renart :

 

Li rois a parlé hautement
Si que l’oent toute sa gent :
« Seigneurs, dist il, entendez moi !
De ce larron de pute foi
Quel justise de lui ferai ? »
(fol. 9 v°, col. 1, v. 9-13)

 

« Le roi a parlé haut et fort afin que tous ses vassaux l’entendent : "Seigneurs, crie-t-il, écoutez-moi bien ! Dites-moi quel châtiment réserver à ce coquin sans foi ni loi ?" » [10].

 

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[7] Ibid., p. 91.
[8] Ce vers apparaît 22 vers au-dessus du dessin marginal.
[9] Voir le texte de J. Dufournet, op. cit., p.104, v. 1207-1208.
[10] Ibid., p. 111.