Dans Anna, Peti, Gergő quand la  famille part en voyage, elle visite des villes en  Hongrie ou fait des excursions à Budapest.  La visite est toujours organisée afin d’être intéressante pour les enfants,  avec arrêts aux aires de jeux, collations, glaces, etc., mais les lieux et les  bâtiments sont représentés avec beaucoup de détails et sont beaucoup plus  élaborés que les personnages. L’auteur y trouve une bonne raison pour dessiner des  bâtiments et des sites touristiques et utiliser ainsi sa formation  d’architecte. C’est probablement les histoires de voyages dans Anna, Peti, Gergő qui inciteront Bartos  à entreprendre la réalisation d’une autre série intitulée Brúnó Budapesten [19] [Brúnó à  Budapest] qui ne parle plus de la famille de l’auteur mais d’une famille  fictive. L’intérêt de cette série se trouve dans le fait qu’elle fut précédée par  la publication de deux livres pour adultes (Les  Secrets de Budapest [20] et Budapest en dessin [21]), des albums de type  « portrait de ville » pour adultes présentant les sites de Budapest. 
   Dans Brúnó à Budapest, l’histoire relate le déménagement de la famille  de Brúnó depuis une petite ville de campagne vers la capitale et ainsi l’histoire présente Budapest depuis le point de vue de l’enfant  quasi-étranger, en tout cas non natif, qui  découvre la ville. La manière de montrer les sites touristiques est très  similaire à la série Anna, Peti, Gergő,  sauf qu’il manque la photo de famille authentifiant l’histoire. En revanche, à la fin des livres, se trouvent des cartes  des différents quartiers parcourus par le personnage principal et qui invitent  les jeunes lecteurs à suivre les itinéraires sur les plans. Ces derniers comme documents  assurent la véracité de l’histoire à l’instar de la photo. Le public ciblé  n’est plus les enfants de la maternelle comme dans Anna, Peti, Gergő, mais ceux de 6-9 ans. Le texte, par conséquent, est un peu plus  long, et contient des renseignements sur les sites et les bâtiments présentés  par les adultes, des descriptions bien intégrées dans l’histoire. La  découverte de la ville est un bon prétexte pour transmettre d’autres  connaissances et savoirs élémentaires pour les enfants de 6-9 ans, en dehors  des informations relatives  aux lieux présentés. Entre autres, le jeune lecteur y découvre les liens  parentaux, le nom des formes géométriques, les types de transports, les  panneaux de signalisation, les fêtes, les saisons, etc. Si les bâtiments sont  dessinés dans la logique d’un architecte, corrigeant la perspective et montrant  par endroit les structures internes, quelques dessins semblent prendre leur  genèse dans  de photos prises  par l’auteur et montrées sur son site Internet [22].
   Lors d’un entretien, l’auteur explique avoir mené sa  recherche préparatoire pendant une dizaine d’années visitant les sites,  rassemblant des documents, faisant le tri de sites informatifs [23]. Toutefois, dans la série Brúnó à  Budapest, les photos ne  sont intégrées que dans le volume intitulé Danube [24] et dans ce volume,  ce ne sont pas les photos prises sur les sites (par l’auteur ou de banques  d’images), mais des photos d’archives [25], des cartes postales  montrant les lieux avant leur  reconstruction (fig. 5). Les photos d’archives invitent à jouer le jeu de  comparaison d’un avant et après, ce que le texte ne transcrit que par endroit.  La photo semble avoir une visée purement pédagogique, elle n’est intégrée au  livre qu’en tant que document visuel, et elle est d’ailleurs amplement utilisée dans  les  petits livrets pédagogiques qui accompagnent les volumes. Dans ces derniers les clichés  permettent de découvrir les sites réels dessinés dans le livre et sont mêlés dans  le livret aux dessins dans les activités ludiques tels les jeux de logique, les coloriages, les  points à relier, les labyrinthes, etc. Ils sont accessibles dans les librairies  pour tous ceux qui souhaitent approfondir  les connaissances sur Budapest en s’amusant et en améliorant les compétences  visuelles (exploration de formes, de couleurs, de quantités).
   L’auteur affirme que son  objectif avec cette série destinée aux enfants de maternelle et de primaire était de donner des idées de  programmes et des suggestions d’excursions aux familles [26] : où aller et quoi  faire à l’intérieur ou en plein  air à Budapest et dans ses alentours. De ce point de vue, le livre s’apparente  à un guide touristique, axé sur les intérêts des enfants, rédigé dans le  langage des enfants : excursions, visites de musées, sites historiques, se  mêlent aux moments de collations, aires de jeux, parcs thématiques, zoo, etc.  Le but pédagogique est clairement identifiable : faire connaître le patrimoine, donner  une référence identitaire, revendiquer un attrait touristique et montrer les beautés de la ville.  Si l’idée de la série trouve sa source dans les excursions en famille racontées  dans Anna, Peti, Gergő, dans les  livres de Brúnó les sites sont parcourus de manière systématique ce qui apporte  une visée encyclopédique à l’ouvrage.
   Il est intéressant de  comparer la place et la fonction de la photographie dans la série Brúnó avec  les deux autres livres pour les adultes [27] mentionnés auparavant. Les deux livres parus à  compte d’auteur sont des portraits de ville où le choix subjectif de l’auteur  est clairement assumé. Le texte est un assemblage d’histoires anecdotiques concernant la  construction de bâtiments historiques et de leur alentour. Les secrets de Budapest [28] prend la forme d’un album amplement illustré de photos (provenant de l’auteur,  d’archives, de stock photos, de différentes sites internet) et de dessins, le  style du texte combine la rigueur scientifique et le divertissement. La sensibilité de l’auteur, son penchant pour l’architecture sont à l’origine de  la collecte des images (ainsi trouvons-nous un grand nombre de photos de  maquettes de bâtiments). Les photos servent à retracer les changements des  bâtiments ou montrer les sites tels que le grand public ne peut pas le voir. Le  livre Les Secrets de Budapest contient  beaucoup de photographies tandis que Budapest  en dessin est une version abrégée de l’album avec la suppression des  photos. Mais la comparaison des trois livres montre comment l’auteur  sélectionne en simplifiant l’histoire, comment la photo devient la matrice du  dessin pour les adultes, et comment ce dernier est réemployé dans la version  coloriée pour les enfants (fig. 6).
   Le dessin d’architecture de  la cathédrale dans Les Secrets de  Budapest, devient un élément décoratif et illustratif dans Budapest en dessin, pour ensuite devenir  un élément narratif dans Brúnó à  Budapest : un dessin réalisé par un peintre de rue que l’oncle de Brúnó  achète pour sa femme lors d’une visite du château.
   Bartos évolue vers une  utilisation accrue de la photographie. Sur son site, elle diffuse des films dans lesquels  elle raconte quelques parties de l’histoire de Brúnó [29]. Le récit est narré à  l’aide d’une succession d’images fixes, provenant du livre, ou légèrement  modifiées ou encore par des photos dans lesquelles le personnage semble entrer  dans le cadre [30] (fig. 7). Toutefois, malgré cette  apparente évolution, la photo ne semble pas être valorisée en soi dans son œuvre. Elle acquiert soit une  fonction documentaire, soit elle est utilisée en tant qu’élément à remixer dans  le dessin ou dans l’histoire. Bartos reprend ainsi l’idée commune que  l’utilisation du dessin sied mieux aux jeunes lecteurs, car plus propice à  enrichir l’imagination.
   En conclusion, ce bref  parcours historique montre que le rôle des maisons d’édition est primordial  dans l’existence ou l’absence des portraits de pays photolittéraires destinés au jeune public. La  fonction documentaire et pédagogique assignée à la photographie semble ne pas s’affaiblir malgré l’avènement de la culture remix, même si l’objet devient plus tangible, facilement  modifiable, repris et transformé d’un ouvrage à l’autre.
    
    
    
 
      [19] Erika Bartos, Brúnó  Budapesten [Brúnó à Budapest],  Budapest, Móra, 2017-2021. Six tomes sont parus jusqu’en 2021.
[20] Erika Bartos, Budapest  titkai [Les Secrets de Budapest],  Budapest, Móra, 2016.
[21] Erika Bartos, Budapest  rajzban [Budapest en dessin], Budapest, Móra, 2016. Le livre paraît  également en anglais sous le titre : Budapest  in drawings (Budapest, Móra, 2016).
[22] Voir le site consacré au livre Brúnó à Budapest (en ligne. Consulté  le 26 juillet 2022).
[23] « Bartos Erika interjú - Hogyan készült a Brúnó sorozat? » [« Interview d’Erika Bartos - Comment la série Brunó a-t-elle été réalisée ? »], YouTube, 4 mn (en ligne. Consulté  le 26 juillet 2022).
[24] Erika Bartos, Brúnó Budapesten – Duna [Brúnó à Budapest –  Danube], Budapest, Móra, 2017.
[25] Les photos proviennent,  entre autres, de la base de données numérisée de l’Archive de la Ville de  Budapest (en ligne. Consulté  le 26 juillet 2022).
[26] « Bartos Erika interjú - Hogyan készült a Brúnó sorozat? » [« Interview d’Erika Bartos - Comment la série Brunó a-t-elle été réalisée ? »], Op. cit.
[27] Curieusement  malgré le fait que le livre a été expressément dédié à un public adulte, dans  la bibliothèque municipale (Fővárosi Szabó Ervin Könyvtár), il a été classé  dans la section enfant.
[28] Erika Bartos, Budapest  titkai [Les Secrets de Budapest],  Budapest, Móra, 2016.
[29] Les  lectures filmées s’adaptent bien à la méthode d’écriture de l’auteur, car  Bartos rédige d’abord les textes, puis réalise les images. Le texte est d’abord  lu pour un public enfant pour tester l’histoire, puis celle-ci est ajustée si  nécessaire. La réalisation du film offre une deuxième possibilité de lecture  après la publication du livre. Selon l’interview avec E. Bartos diffusée sur  son propre site Internet et sa chaine YouTube (en ligne. Consulté  le 26 juillet 2022).
[30] Erika Bartos, Brúnó és a Duna folyó [Brúnó et le fleuve Danube], 12 mn 36, YouTube, (en  ligne. Consulté le 26 juillet 2022).