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Jean-Yves Laurichesse
Place Monge
(extrait)

      Paru en 2008 aux éditions Le temps qu’il fait, Place Monge est le premier des six romans de Jean-Yves Laurichesse publiés à ce jour ; il a été sélectionné pour le prix du premier roman 2008 et a reçu le prix littéraire 2009 de la Ville de Balma.

      Son point de départ est une trouvaille familiale d’une grande richesse testimoniale et émotionnelle, comme en témoigne pudiquement la quatrième de couverture :

 

Un officier de la Grande Guerre retrouve, le temps d’une brève permission, son appartement parisien et les traces d’un bonheur révolu. Une jeune femme et son fils attendent son retour au fond d’une province. Mais la mort est en embuscade et va bientôt frapper, à plusieurs reprises. De cette histoire tragique demeurent des lettres, des photographies, des documents officiels, longtemps enfouis dans un placard humide. Leur découverte reconduira le petit-fils de l’officier à un immeuble de la Place Monge qu’il pensait n’appartenir qu’à l’histoire littéraire, et qui se révélera comme le lieu même des coïncidences.

 

      L’officier en question, tué d’une balle dans le front le 27 mai 1918 en Flandre en menant une contre-attaque nocturne non loin du mont Kemmel, n’est autre que le grand-père paternel de l’auteur (fig. 1). Avant la guerre, il habitait avec sa toute jeune épouse Place Monge à Paris, dans l’immeuble même où, encore dans l’ignorance de cette circonstance familiale, son petit-fils devenu chercheur allait bien plus tard rencontrer Claude Simon… Le roman qui porte le nom du « lieu même des coïncidences » fait une large place à la précieuse moisson de « pauvres archives » retrouvées, et en particulier aux lettres quasi quotidiennes adressées par le lieutenant Jean L. à Gabrielle : épousée en 1913, elle ne lui survivra que de six ans, emportée par la tuberculose, ayant perdu entre temps une petite fille de trois ans à peine. Citant sans retouches les phrases d’outre-tombe de membres de sa famille (fig. 2) mais aussi de compagnons d’armes, d’officiels, d’amis et d’une inconnue que l’empathie et le tact rendirent particulièrement secourable (fig. 3), Jean-Yves Laurichesse fait œuvre de rapsode en les reliant par une trame de récit vraisemblable, à la fois sobre et poétique. Des photographies, des cartes postales viennent compléter ces écrits qui dans leur matérialité ont eux-mêmes valeur d’images [1]. En passant par les chapitres « Jean » et « Gabrielle », une structure très efficace dans sa fluidité, nous mène de « La Lettre » (datée de 4 mars 1917, c’est celle que Jean a adressée à Gabrielle lors de la permission qui lui a offert le très ambivalent privilège de revenir dans leur appartement parisien évacué [fig. 4]) à « La Place » qui, nous reconduisant au cœur du Ve arrondissement, referme la boucle amorcée par l’incipit. Le passage qui suit, extrait du quatrième et dernier chapitre, illustre de manière particulièrement saisissante le brusque resurgissement du passé dans le présent et la lourdeur du tribut payé par la famille limousine.

      Place Monge a été adapté sous forme de « roman musical » (texte, musique, images) par Ana Cogan-Laurichesse, et la Médiathèque José-Cabanis de Toulouse a accueilli une de ses représentations [2] lors des Journées d’études internationales de septembre 2014 « Images malgré tout ? », permettant aussi, à sa manière intime et poignante, de « revoir 14 ».

 

Sylvie Vignes

 

Lire l’extrait de Place Monge de Jean-Yves Laurichesse
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[1] Voir, sur le site internet de l’auteur, l’« album » de Place Monge.
[2] Lecture, Hyacinthe Carrera ; piano, Ana Laurichesse ; violoncelle, Mélody Giot. Une vidéo du spectacle est accessible en ligne sur Dailymotion.