Portrait du Brésil en collections jeunesse.
Le cas de l’album Dada « Poésie et chanson
brésiliennes » chez l’éditeur Mango (2005)

- Daiane Francis Fernandes Ferreira
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Fig. 1. Cl. Chevalier et A. Ahond, Poésie et
chanson brésiliennes
, 2005, p. 16

Fig. 2. Cl. Chevalier et A. Ahond, Poésie et
chanson brésiliennes
, 2005, p. 31

Fig. 3. Cl. Chevalier et A. Ahond, Poésie et
chanson brésiliennes
, 2005, couverture

Par ailleurs, Mango a conçu son anthologie dans le format bilingue portugais-français, augmentant ainsi considérablement la portée de l’œuvre et les chances de voir son travail entrer dans l’univers éducatif. L’adoption d’un ouvrage de jeunesse par une école est généralement très importante pour un projet d’édition, car cela donne de la visibilité au produit et augmente ses chances de gain financier étant donné les grandes quantités d’achat qui seront effectuées par les bibliothèques, les établissements et même, individuellement, les élèves. Un rapide recensement montre qu’à ce jour l’ouvrage Poésie et chanson brésiliennes fait partie du fonds des collections de différentes bibliothèques et médiathèques en France, en outre-mer et à l’étranger. L’ouvrage est à la Bibliothèque départementale de Guadeloupe et la Bibliothèque nationale de Djibouti en Afrique et aussi dans les médiathèques canadiennes. Par ailleurs, quelques travaux scolaires disponibles sur des sites d’enseignants prouvent que l’ouvrage apparaît comme une source d’inspiration pour l’enseignement de la poésie et de la diversité. A titre d’exemple, on peut citer un recueil de textes d’élèves de 6ème disponible en ligne sur une plateforme de publications gratuites [8]. Les élèves ont écrit des poèmes à partir de la lecture de quelques œuvres poétiques présélectionnées, dont Poésie et chanson brésiliennes, qui a inspiré l’un des élèves pour un poème sur la musicalité. Cette activité met en lumière la proposition éditoriale de jouer avec ces deux genres artistiques (poésie et chanson), et témoigne, même superficiellement, d’une réception positive de l’ouvrage dans l’école.

Toujours dans le domaine éducatif, on note que l’équipe éditoriale investit considérablement dans les dispositifs paratextuels du livre au service de sa promotion, surtout au niveau photographique. Selon Laurence Le Guen : « après l’invention de la photographie, le recours aux images fixes pour permettre un enseignement visuel connaît un engouement certain dans les établissements scolaires français notamment » [9]. L’image est devenue un élément presque indissociable de l’univers éducatif de la jeunesse et, également, de la littérature jeunesse. En ce qui concerne les photographies, en particulier, c’est à partir de la seconde moitié du XXe siècle qu’elles deviennent vraiment fréquentes dans divers types de productions artistiques pour enfants, offrant plus de détails et facilitant la transmission et la construction des connaissances ainsi que la participation active au processus de stimulation de la découverte et de la réflexion.

Une grande partie du travail éditorial consacrée à l’identité visuelle de l’ouvrage a été confiée à Rébecca Peshdikian, responsable de la conception graphique de la collection, et à Aline Ahond, plasticienne, réalisatrice de films, et responsable de toutes les photographies et illustrations de l’ouvrage. Cette dernière adopte comme technique d’illustration un dialogue entre dessins, photographies, photomontages et découpages d’images (fig. 1). Au total, vingt photographies de personnes apparaissent tout au long du livre, dont sept sont des photographies d’enfants et les restants sont des photographies d’adultes (huit hommes et cinq femmes). Les modèles photographiques interprètent des scènes de l’œuvre de manière à donner l’impression qu’ils interagissent avec les découpages et les dessins, suggérant une rencontre entre réalité et imagination (fig. 2).

De la même manière, ces découpages et ces dessins se mélangent, faisant alterner des dessins qui empruntent l’effet manuel du crayon avec d’autres dessins complètement numérisés. D’autres encore prennent une forme géométrique en papier. Une unité artistique se crée autour des photographies et des dessins, au point de constater une certaine difficulté à identifier ce qui est photographies d’objets ou dessins graphiques. C’est un projet imagé, suggestif et attrayant qui démontre l’audace éditoriale de la collection dans la recherche de nouvelles références, techniques et sources d’inspiration.

On ne peut cependant pas ignorer que cette audace et tout cet investissement conceptuel autour de l’œuvre vont bien au-delà du désir, sans prétention, de présenter un pays et une culture différents au jeune lecteur. Comme tout autre marché, le secteur de l’édition a des attentes commerciales à satisfaire et a également des préférences qui accommodent leurs idéologies sociales, politiques et culturelles. Dans cette optique, un projet est le fruit de l’expression des subjectivités de toutes les personnes impliquées dans l’équipe éditoriale, qui peuvent ou non être identifiées dans la version finale de l’œuvre, et de la même manière, peuvent ou non influencer l’interprétation et la représentation d’une culture différente de celle de l’équipe éditoriale et du lecteur. Dans la composition de l’équipe éditoriale de l’œuvre en question, nous attirons l’attention sur l’absence d’une allure régionale de professionnels brésiliens.

Le moment est venu d’analyser les stratégies éditoriales identifiées dans l’ouvrage Poésie et chanson brésiliennes, mentionnées jusqu’à présent et qui coopèrent pour sensibiliser le jeune lecteur aux questions de diversité, d’interculturalité et de vivre ensemble.

 

Un portrait pour l’enfant et de l’enfant : le jeune lecteur en question

 

Poésie et chanson brésiliennes est un ouvrage qui a été pensé sous plusieurs aspects pour attirer au maximum l’attention de son jeune lecteur : depuis le choix de couleurs vibrantes et fortes jusqu’aux dimensions matérielles du livre ; de l’indication bio-bibliographique en fin de volume aux insertions des dates de naissance des auteurs de chaque texte. Ce sont là de petites initiatives mais qui ont toute leur importance dans la composition d’un livre pour la jeunesse consacré à une littérature étrangère. Tous ces détails renforcent l’attrait éditorial évident en tentant d’amener l’enfant à une rencontre avec la fantaisie et, surtout, avec une nouvelle culture : deux éléments importants dans la formation des jeunes lecteurs. Au-delà des seules intentions éditoriales explicites, tout un dispositif est à l’œuvre. D’abord, sur la couverture de l’anthologie Poésie et chanson brésiliennes, un enfant tient la main d’un adulte vêtu d’un costume patchwork coloré et long qui incarne un personnage dont on distingue parfaitement les pieds et les mains, bien qu’on ne montre pas son visage, transmettant à l’enfant une idée – même indirecte – de sécurité et de stabilité au moment de se lancer dans la lecture de l’inconnu (fig. 3).

 

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[8] Recueil de textes d’élèves de 6ème. Ensemble Scolaire Jean XXIII 2016-2017. Consultable sur le site Calaméo (en ligne. Consulté le 19 juillet 2022).
[9] Laurence Le Guen, Littératures pour la Jeunesse et Photographie..., Op. cit., p. 59.